Suite à notre article publié mardi 21 octobre, intitulé « L’empire Lotfi Abdennadher se casse en mille morceaux », le groupe Somocer nous a envoyé un droit de réponse que nous publions en intégralité. Notre réponse, point par point, suit.
Communiqué des mandataires judiciaires de SOMOCER Group
L’article publié par Business News en date du 21 Octobre 2025 intitulé « L’empire de Abdebbadher se casse en mille morceaux », comporte des approximations et de sous-entendus graves, ne se contente pas de viser des personnes : il attaque injustement deux entreprises industrielles tunisiennes, SOMOCER et SOTEMAIL, leurs centaines d’employés, ainsi que les régions entières qui vivent grâce à elles.
1. Des accusations sans fondement, des faits ignorés
Les allégations publiées dans cet article sont non seulement inexactes, mais traduisent une lecture partiale et biaisée de la réalité.
Oui, les exercices récents ont été exigeants comme, pour l’ensemble du secteur céramique en Tunisie et dans le monde, mais réduire cette période conjoncturelle difficile à un récit de faillite morale relève de la manipulation intellectuelle.
Les bilans 2024 de nos sociétés reflètent un contexte macroéconomique tendu : baisse du pouvoir d’achat, explosion du coût des intrants, perturbations logistiques mondiales et raréfaction du financement bancaire productif.
La guerre en Ukraine a profondément perturbé l’approvisionnement en matières premières essentielles à la production céramique, tant en termes de disponibilité que de prix. L’argile ukrainienne, reconnue comme la meilleure au monde, était importée à hauteur de près de 50 000 tonnes par an. Toutefois, la flambée spectaculaire des prix, ayant plus que doublé, a fortement impacté l’ensemble du secteur. Cette hausse n’a pas pu être répercutée de manière suffisante sur les prix de vente, en raison de la dégradation du pouvoir d’achat des ménages et de la concurrence déloyale à laquelle les producteurs doivent faire face.
À cela s’ajoute le problème persistant des importations illégales et du marché parallèle, dont l’impact sur l’industrie nationale ne peut être ignoré.
Ces éléments, connus de tous les acteurs économiques, ne traduisent ni fraude, ni dissimulation, ni malversation. Parler de “maquillage”, de “fuite” ou de “naufrage orchestré” relève de la fiction.
2. Des procédures administratives, pas des condamnations
Concernant les insinuations relatives aux vérifications douanières, rappelons qu’aucune décision judiciaire ou douanière définitive n’existe à ce jour.
Les procédures mentionnées relèvent de simples contrôles administratifs, comme en connaissent toutes les entreprises industrielles. Les rapports des commissaires aux comptes évoquent, avec prudence, des points de vigilance non des fautes avérées.
Il est regrettable que l’article transforme une observation technique en accusation et tire des conclusions hâtives à partir de procédures non clôturées.
Aucune autorité n’a conclu à une fraude, à un détournement, ni à une opération illégale.
Au sujet de la réévaluation des actifs, il faut rappeler que, Les capitaux propres de Sotemail demeurent positifs (47,9 millions de dinars), preuve que la société reste viable. La réévaluation d’actifs évoquée (25 MD) est une pratique comptable autorisée, validée par les commissaires aux comptes, et ne constitue ni une « astuce », ni un artifice. Elle reflète la valeur réelle du patrimoine industriel de l’entreprise.
Quant aux réserves émises dans le rapport d’audit, elles doivent être lues pour ce qu’elles sont : des alertes comptables, visant à encourager une meilleure structuration financière et juridique du groupe, non des conclusions sur une prétendue insolvabilité
3. Opérations intersociétés
L’article évoque des « flux intersociétés non conformes au code des sociétés commerciales », en insinuant un prétendu « mécanisme d’autofinancement circulaire ».
Cette interprétation, purement spéculative, ignore les pratiques courantes dans les groupes industriels, en particulier lorsque plusieurs entités fonctionnent dans une logique de chaîne de valeur intégrée.
Les opérations intersociétés ne sont pas illégales dès lors qu’elles sont enregistrées, tracées et auditées.
Les montants évoqués concernent des flux entre sociétés historiquement liées et relèvent de la gestion courante d’un groupe intégré, non d’un dispositif occulte.
Nous contestons fermement l’expression « maquiller les pertes », infondée et diffamatoire.
4. Le rôle de l’entreprise : produire, employer, construire
SOMOCER et SOTEMAIL, ce ne sont pas des chiffres abstraits. Ce sont plus de 1 000 emplois directs et des milliers d’emplois indirects dans deux régions parmi les plus défavorisées de Tunisie.
Ce sont des familles, un savoir-faire industriel reconnu, et des décennies d’investissement national.
5. Gouvernance
L’intervention de la justice est un fait. Mais les mandataires judiciaires ne sont pas venus enterrer les sociétés, ils œuvrent à les accompagner et les soutenir pour dépasser cette phase de redressement.
Quant à la rotation des administrateurs judiciaires, elle traduit une volonté d’adaptation aux besoins spécifiques de chaque dossier et permet de mobiliser des compétences variées face à des situations complexes.
6. Plans d’action
Consciente des défis conjoncturels et structurels ayant récemment affecté le secteur de la céramique, ainsi que des préoccupations exprimées par certains acteurs économiques, notre entreprise a engagé un plan d’action global visant à renforcer sa solidité financière, et sa compétitivité.
Ce plan repose sur une série de mesures concrètes, parmi lesquelles :
– Renforcement du contrôle des importations illégales à bas prix, notamment en provenance d’Inde ;
– Meilleure gestion des impayés clients et limitation des crédits de paiement.
– Reprise des importations de matières premières depuis l’Ukraine et diversification des circuits d’approvisionnement (Espagne, Turquie, Algérie).
– Diversification des partenaires bancaires et restructuration des engagements bancaires.
– Mise à profit des mesures prévues par la lois de finances 2024-2025 (amnisties fiscales et sociales, calendriers aménagés).
– Optimisation des charges d’exploitation.
Sur cette base, la direction a établi un Business Plan 2025–2035 qui a été validé par le conseil d’administration du 19 septembre 2025 et en présence des mandataires judiciaires, confirmant la capacité du groupe à honorer ses engagements et à rétablir durablement sa situation financière.
7. Perspectives
Grâce à la confirmation des accords bancaires et à la mise en œuvre progressive du programme de restructuration, conjuguées à une croissance à deux chiffres de l’activité au 30 septembre 2025, notamment sur le marché local avec des hausses de 24,25 % pour Somocer et de 59 % pour Sotemail au troisième trimestre par rapport à la même période de 2024, le Groupe SOMOCER retrouve une véritable dynamique de redressement.
La production atteint désormais 80 % de la capacité installée, et ce avant même la pleine application du programme, résultat d’une gestion rigoureuse des stocks et du renforcement des actions de recouvrement client.
Conclusion
Ce communiqué n’a pas pour but de polémiquer, mais de rappeler une évidence : on ne construit pas la Tunisie en détruisant ses entreprises.
Les mots ont un poids; lorsqu’ils servent à dénigrer plutôt qu’à comprendre, ils deviennent des armes contre le travail et la dignité.
Nous continuerons, malgré tout, à produire, à employer et à investir.
Parce que le véritable patriotisme économique ne se proclame pas : il se prouve chaque jour, dans les usines, sur les chaînes, et dans les régions qui vivent de l’industrie.
Dans ce cadre les mandataires judiciaires de SOMOCER Group se réservent le droit d’engager toute action en justice à l’encontre de toute personne qui se permettrait de diffuser des informations fausses, de tenir des propos diffamatoires ou d’entreprendre toute action de nature à porter atteinte à la réputation ou au bon fonctionnement des activités de SOMOCER Group.
Ces allégations et fausses informations portent non seulement atteinte aux deux sociétés et à leurs activités, mais elles minimisent également les efforts considérables déployés par les mandataires judiciaires pour redresser la situation et préserver les emplois.
Les mandataires judiciaires de SOMOCER Group
Mokhless Youssef Anis Taieb Makram Guirass
RÉPONSE DE BUSINESS NEWS
Notre rédaction maintient l’intégralité des faits publiés, lesquels reposent exclusivement sur les états financiers officiels de Somocer et Sotemail au 31 décembre 2024, signés par les commissaires aux comptes Ahmed Sahnoun (MTBF Audit) et Chiraz Drira (CRG Audit).
Notre devoir n’est pas de nuire à des entreprises, mais d’informer les lecteurs — en particulier les actionnaires et les salariés — sur la situation financière réelle de deux sociétés cotées en bourse, placées sous administration judiciaire et présentant des résultats déficitaires chroniques.
1. Sur la prétendue « manipulation intellectuelle »
Le communiqué de Somocer affirme que nous aurions « réduit une période conjoncturelle difficile à un récit de faillite morale ».
Or, notre article ne s’appuyait sur aucun jugement de valeur, mais sur des chiffres officiels :
Somocer a enregistré un résultat net négatif de 28,8 MDT et un recul du chiffre d’affaires de 36,6 %.
Sotemail affiche un résultat net négatif de 14,5 MDT et une baisse de 33,8 % de ses revenus.
Ces chiffres sont extraits directement des états financiers certifiés.
Les commissaires aux comptes signalent d’ailleurs que « la continuité d’exploitation du groupe est gravement compromise sans restructuration profonde ».
C’est donc une constatation comptable, non une interprétation journalistique.
2. Sur les causes de la chute du chiffre d’affaires
Nous partageons une partie du diagnostic avancé par Somocer : nos lecteurs ont été informés des causes macroéconomiques (inflation, hausse du coût des intrants, importations illégales, raréfaction du crédit) — car ces facteurs sont également mentionnés dans les rapports des CAC, au titre des « difficultés structurelles et conjoncturelles du secteur ».
Mais ces éléments n’expliquent pas à eux seuls la gravité de la situation du groupe.
Les CAC évoquent également : des problèmes internes de gouvernance, des créances intersociétés non garanties, une dépendance excessive à la dette bancaire, et une incertitude sur la valeur réelle des participations intra-groupe (notamment entre Somocer et Sotemail).
Ces passages, clairement écrits dans les annexes aux rapports 2024, justifient notre titre et nos formulations.
3. Sur les amendes et procédures douanières
Somocer affirme qu’il ne s’agit que de simples « contrôles administratifs ».
Pourtant, les commissaires aux comptes mentionnent explicitement deux procédures douanières :
« Une première amende d’un montant de 3,7 MDT a été réglée en 2022, et une seconde, d’un montant de 4,1 MDT, fait l’objet d’un contentieux en cours. »
Ces citations sont issues du rapport général sur les états financiers 2024.
Nous avons donc décrit des faits établis et documentés, sans extrapolation.
4. Sur la « réévaluation des actifs » et les capitaux propres
Le communiqué évoque la « solidité » des capitaux propres.
Là encore, notre article cite fidèlement les documents officiels :
Somocer : 68 MDT de capitaux propres, dont 32 MDT issus de réévaluation.
Sotemail : 47,9 MDT de capitaux propres, dont 25 MDT de réévaluation.
Ces montants sont authentiques, mais leur nature est précisée par les CAC : il s’agit de réserves de réévaluation comptable, sans impact sur la trésorerie ni sur la rentabilité.
Parler de « viabilité » sur cette base relève donc d’une lecture partielle des bilans.
5. Sur les flux intersociétés
Le droit de réponse qualifie nos remarques de « spéculatives ».
Pourtant, les CAC écrivent noir sur blanc :
« Les flux intersociétés observés ne respectent pas toujours les principes du Code des sociétés commerciales et exposent le groupe à un risque de confusion patrimoniale. »
Et encore :
« Les opérations croisées entre Somocer, Sotemail et les sociétés apparentées représentent un total de 21 MDT, sans garanties de remboursement. »
Nos expressions « autofinancement circulaire » et « maquillage des pertes » traduisent donc une réalité comptable vérifiée, non une invention rédactionnelle.
6. Sur la gouvernance judiciaire
Nous ne nions pas le rôle constructif des administrateurs judiciaires, mais leur succession rapide (trois nominations en quinze mois) traduit un climat d’instabilité reconnu dans les propres annexes des états financiers.
Notre description de cette « rotation » visait à éclairer le lecteur sur la complexité de la gouvernance actuelle, non à la dénigrer.
7. Sur le cours de l’action : un indicateur objectif
Si Business News avait voulu nuire, nous aurions relevé la chute du cours de l’action Somocer, passée de 840 millimes il y a trois ans à 480 millimes aujourd’hui, soit une baisse de 42,9 %.
Mais notre objectif n’est pas la polémique : il est d’informer et de protéger les investisseurs tunisiens — des citoyens qui ont placé leur épargne dans une société cotée.
Nous notons d’ailleurs que depuis la publication de notre article, le cours de l’action a commencé à remonter, signe que les marchés apprécient la transparence et l’accès à une information claire.
8. Sur la viabilité et les perspectives
Le communiqué évoque une « reprise à deux chiffres » au 30 septembre 2025.
Nous l’espérons sincèrement.
Mais il convient de rappeler que ces chiffres n’ont pas encore été audités et ne figurent dans aucun document officiel.
Notre article se fonde uniquement sur les états financiers arrêtés et certifiés au 31 décembre 2024, dernier exercice validé par les CAC.
Conclusion
L’article publié par Business News ne s’inscrit pas contre Somocer ni contre ses employés, mais dans l’exercice légitime de notre profession, du contrôle citoyen et médiatique.
Les faits évoqués sont certifiés, sourcés et publics.
Si le groupe affirme avoir entamé un plan de redressement solide, nous serons les premiers à le documenter — à condition que les données financières correspondantes soient, elles aussi, publiées et auditées.
L’information n’est pas une attaque : c’est un miroir. Et dans le cas de Somocer, c’est un miroir que nous avons simplement tourné vers la lumière.
Cliquer ici pour lire l’intégralité du rapport des CAC de Somocer (55 pages)
Cliquer ici pour lire l’intégralité du rapport des CAC de Sotemail (46 pages)











Commentaire
lambda
Je trouve ridicule et suspect qu’une entreprise menace un journaliste de poursuites judiciaires. Le journaliste a fait son job, ses informations sont vraies avec citation de sources, pourquoi donc le menacer de poursuites ? C’est de l’intimidation inacceptable. C’est ce genre de dirigeants et cette mentalité du siècle dernier qui ont mené la Somocer à la dérive. Je suis moi même actionnaire de la société, je vous promets d’être présent à l’assemblée générale pour dire le fond de ma pensée et je serai bien plus sévère que business news. J’envisage même de porter plainte pour abus de biens sociaux