Devant l’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts, la cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, a présenté, mercredi 5 novembre 2025, les projets du budget économique, du budget de l’État et de la loi de finances pour 2026. Cette présentation s’inscrit dans le cadre du Plan de développement 2026-2030, élaboré selon une méthode ascendante partant des conseils locaux vers le niveau national, afin de rompre avec les approches antérieures jugées déconnectées des besoins réels des citoyens.
Elle a rappelé que ce plan repose sur une vision fondée sur la justice sociale, l’équité territoriale et la réduction des déséquilibres régionaux. Selon ses termes, « les décisions ne doivent plus tomber d’en haut », mais partir des territoires pour répondre aux préoccupations concrètes des habitants. L’objectif est de construire un modèle de croissance équilibré, créateur d’emplois, garantissant l’accès aux services publics et améliorant les conditions de vie.
L’emploi comme moteur de stabilité sociale
La cheffe du gouvernement a fait de l’emploi une priorité majeure. Elle a annoncé la réouverture du recrutement dans la fonction publique, avec une attention particulière aux diplômés de longue durée, ainsi que la poursuite de l’intégration des ouvriers de chantiers, agents contractuels et enseignants suppléants. La réforme des contrats de travail et l’interdiction de la sous-traitance dans le secteur public seront pleinement appliquées.
Elle a ajouté que l’État prendra en charge une partie des cotisations sociales pendant cinq ans pour les diplômés recrutés dans le secteur privé, afin de soutenir l’embauche. En parallèle, le rôle du Fonds national pour l’emploi sera élargi pour financer la reconversion, le perfectionnement professionnel et l’accompagnement des jeunes.
Pouvoir d’achat : hausses salariales et lutte contre la spéculation
Reconnaissant que le niveau des prix demeure élevé malgré la baisse de l’inflation à 4,9% en octobre 2025, Sarra Zaâfrani Zenzri a annoncé une augmentation des salaires dans les secteurs public et privé, ainsi que des pensions de retraite au titre des années 2026, 2027 et 2028. Le soutien aux produits de base sera maintenu et renforcé, avec 278 millions de dinars supplémentaires inscrits dans le budget 2026.
Elle a insisté sur la nécessité de démanteler les réseaux de spéculation et de monopole, de numériser les circuits de distribution et de renforcer le contrôle économique, en soulignant que « le pouvoir d’achat demeure une priorité absolue de l’État ».
Un budget social : 1,863 milliard de dinars pour les familles vulnérables
Le projet de loi de finances prévoit 1,863 milliard de dinars pour soutenir les familles à revenu limité. Près de 395.000 familles bénéficieront de la revalorisation des allocations permanentes, accompagnée de bourses scolaires pour un montant global de 1,34 milliard de dinars. La couverture santé gratuite ou à tarif réduit sera poursuivie. La cheffe du gouvernement a également annoncé la création d’un fonds national d’appui aux personnes en situation de handicap, destiné à financer la formation, l’entrepreneuriat et l’insertion économique, ainsi que des allègements fiscaux pour favoriser leur intégration.
Des indicateurs macroéconomiques orientés à la reprise
Sarra Zaâfrani Zenzri a souligné que l’économie tunisienne montre des signes de reprise graduelle. La croissance du PIB a atteint 3,2% au deuxième trimestre 2025, tandis que le taux directeur de la Banque centrale a été ramené à 7,5%. Les réserves en devises ont atteint l’équivalent de 106 jours d’importations à fin octobre 2025 et le dinar s’est renforcé face au dollar et à l’euro. Le taux de chômage a reculé à 15,3% et les recettes touristiques ainsi que les transferts des Tunisiens à l’étranger ont enregistré des hausses sensibles. Les investissements directs étrangers ont progressé de 21,3% au premier semestre 2025.
Le budget de l’État pour 2026 s’élève à 79,624 milliards de dinars, en augmentation de 3,9% par rapport aux prévisions de clôture 2025.
Santé : hôpital numérique, urgences et maillage territorial renforcé
La cheffe du gouvernement a insisté sur la réforme de la santé publique. Elle a évoqué la mise en place du premier hôpital numérique, permettant la télémédecine et la réduction des déplacements des malades, notamment dans les régions intérieures. La modernisation des services d’urgence se poursuivra, de même que la création de centres spécialisés en oncologie. Une Agence nationale du médicament et des produits de santé est en cours de déploiement en tant que référent unique en matière de qualité et d’approvisionnement.
Plusieurs projets hospitaliers sont en phase d’exécution ou d’accélération, notamment à Kairouan, Sbeitla, El Jem, Ghardimaou, Jelma, Makthar, Hafouz, Dahmani et Thala.
Éducation, formation et jeunesse : reconstruction progressive
La cheffe du gouvernement a annoncé que le Conseil supérieur de l’éducation sera lancé prochainement pour refonder l’enseignement public sur des bases d’égalité des chances et d’esprit critique. La stratégie prévoit également l’extension des services de petite enfance afin d’atteindre une couverture de 45% en préscolaire, ainsi que la modernisation de la formation professionnelle, désormais sanctionnée par un diplôme supérieur pour la rendre plus attractive.
Femmes, inclusion et entrepreneuriat : continuité des programmes
Elle a mis en avant la poursuite des programmes d’appui aux femmes et aux filles, en particulier dans les zones rurales, rappelant que le programme « Raidet » a financé 5610 projets, créant 920 emplois directs, pour près de 56 millions de dinars engagés. En 2026, environ mille nouveaux projets féminins sont attendus.
Logement : location-vente et relance du social
L’État poursuivra le développement du logement social et du logement à prix modéré, notamment via le mécanisme de location-vente. Le Programme du premier logement est étendu au bâtiment individuel, avec une TVA réduite à 7% pour les logements ne dépassant pas 400.000 dinars. Le programme social prévoit la réalisation de 13.400 logements, dont 5000 supplémentaires seront engagés en 2026.
Transport : relance du ferroviaire et modernisation du réseau
La modernisation du transport public se poursuivra avec la mise en exploitation de bus supplémentaires, l’acquisition de rames de métro et la poursuite du déploiement du RFR, désormais remis sur les rails. L’année 2026 verra des investissements supplémentaires dans le réseau ferré, notamment sur les lignes Tunis-Kasserine, Moknine-Mahdia et le transport du phosphate.
Eau, agriculture et transition énergétique : sécurité stratégique
La cheffe du gouvernement a insisté sur la sécurité hydrique comme priorité nationale. La station de dessalement de Sousse sera mise en service avant la fin 2025 et 352 millions de dinars seront mobilisés en 2026 pour renforcer l’accès à l’eau potable en zones rurales. La Tunisie poursuivra également la valorisation des eaux traitées, avec un objectif de 76% d’eaux conformes d’ici 2026.
En agriculture, l’accent sera mis sur la préservation des semences locales, le soutien aux petits éleveurs dans le lait et la viande, et l’appui au secteur de la pêche. En énergie, l’État entend accélérer l’installation de centrales solaires et parier sur l’objectif de 35% d’énergies renouvelables d’ici 2030, en lien avec le projet de connexion électrique Tunisie-Italie, permettant à la Tunisie de devenir un hub énergétique régional.
Sarra Zaâfrani Zenzri a enfin appelé à un effort collectif, associant l’État, le secteur privé et les forces sociales, afin de « faire de 2026 l’année de l’entrée en vigueur effective de la nouvelle Tunisie », selon ses mots. Elle a conclu en assurant que « la justice sociale, la souveraineté économique et l’équilibre régional resteront le cap constant du gouvernement ».
M.B.Z












