Le député Ahmed Saïdani (ARP) a livré, lors d’une intervention marquée par une vive tonalité critique, un réquisitoire frontal contre la conduite du pouvoir exécutif. S’exprimant à l’Assemblée des représentants du peuple le 6 novembre 2025, il a multiplié les attaques directes et les appels à la responsabilité, dénonçant une «gestion hors sol» et des nominations qu’il qualifie de «véritable complot» contre l’intérêt national.
D’emblée, Saïdani a posé la question qui structure son propos : « La question aujourd’hui en Tunisie : jusqu’à quand cette folie va-t-elle durer ?» — une formule qu’il a reprise tout au long de son intervention pour souligner, selon lui, l’absurdité des pratiques du pouvoir. «L’État en Tunisie perd la raison : le régime a perdu son orientation et son sens», a-t-il lancé.
Il a fustigé la «déconnexion» du chef de l’État : «Tous les indicateurs montrent que monsieur le président de la République est un homme déconnecté de la réalité — déconnecté politiquement, socialement, historiquement et géographiquement. Il vit sur une autre planète, comme il l’a dit lui-même ».
Énumérant les leviers de l’État placés selon lui sous contrôle direct du président, Ahmed Saïdani a insisté : «Vous avez le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense, la garde présidentielle, le service de sécurité présidentielle, la présidence, les prisons… Toutes les forces armées et les services de renseignement du pays sont sous son autorité ». «Et pourtant, il accuse des fantômes de comploter contre lui», a-t-il ironisé. Pour le député, la contradiction est flagrante : « On nous parle de complots, de traîtres, d’agents — mais je ne crois pas qu’il y ait douze millions de comploteurs en Tunisie ».
Ahmed Saïdani a ensuite ciblé les nominations ministérielles, les qualifiant de décisions hostiles à la souveraineté et à l’efficacité de l’action publique : « Le véritable complot, c’est de nommer une juge à la tête du ministère des Finances et de lui demander de réaliser la justice sociale. Le véritable complot, c’est de nommer un ministre de l’Agriculture incapable de distinguer entre sécurité alimentaire et souveraineté alimentaire ».
Il s’est également attaqué aux ministres qu’il juge inadaptés à leurs portefeuilles : « La ministre de la Culture n’a pas de projet pour la souveraineté culturelle — ce ne sont que des slogans qui flottent en surface sans retombée politique concrète. Le ministre de la Santé ne comprend pas le sens de la souveraineté pharmaceutique ni le concept de santé publique. Le ministre de l’Agriculture devrait être jugé — avec tout le respect dû à la personne — parce qu’il n’est pas à la hauteur», a-t-il ironisé.
Sur le plan économique, le député a dénoncé l’écart entre la communication officielle et les chiffres : « Hier, la cheffe du gouvernement disait que le dinar était la monnaie la plus forte d’Afrique — or le dinar a perdu 45 % de sa valeur face à l’or en un an ». Il a mis en cause la responsabilité de la Banque centrale et celle de l’Institut national de la statistique : « Nous tenons pour responsables le gouverneur de la Banque centrale et l’Institut national de la statistique — dont la page a été retirée d’Internet ».
Interpellant directement le président sur son choix entre deux voies, Ahmed Saïdani a posé un ultimatum politique : « Le président doit choisir : soit il descend sur le terrain, dit la vérité aux Tunisiens et dévoile certains chiffres, soit il choisit les ‘nouveaux’ acteurs dont on commence à entendre parler — les ‘mouches vertes’, des coordinations, la sorcellerie, le charlatanisme et la démagogie contre les Tunisiens ».
Il a conclu par un appel à la souveraineté et à la préservation des ressources nationales : « Le véritable enjeu est d’ouvrir le livre de l’histoire et de sortir du passé. Nous voulons une Tunisie souveraine, qui contrôle ses ressources et protège sa dignité ».
S.H
