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Les associations tunisiennes sous pression : démystification des accusations

Par Rabeb Aloui

Depuis plusieurs mois, la page Facebook « La Tunisie pour les Tunisiens » diffuse des messages hostiles aux organisations de la société civile, ciblant particulièrement les associations de défense des droits humains.

Le 5 novembre 2025, elle a publié un message affirmant que ces associations seraient « des organisations financées de l’étranger, défendant l’ingérence extérieure avec des complicités internes et des fonds étrangers ».

Cette accusation, présentée comme un constat général, n’est étayée par aucun document, enquête ni preuve. Elle relève d’un discours de haine qui nourrit la méfiance envers des acteurs essentiels du tissu démocratique tunisien, en laissant entendre qu’ils agiraient contre les intérêts nationaux.

Ces attaques surviennent à un moment où plusieurs associations ont vu leurs activités gelées, notamment l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et encore le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) . Dans ce contexte, ladite page Facebook multiplie les intox, déformant le rôle réel de ces organisations qui œuvrent depuis des années à protéger les droits fondamentaux.

En réalité, les associations tunisiennes jouent un rôle crucial, surtout celles engagées dans la défense des femmes et la lutte contre les violences. L’ATFD accueille et accompagne des femmes victimes de violences conjugales et sexuelles, leur offrant soutien psychologique, suivi juridique et assistance sociale. L’Association des femmes tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD) mène des recherches rigoureuses sur les inégalités économiques et sociales, publie des études reconnues et participe à des projets nationaux de développement.

Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) est l’une des principales organisations de défense des droits humains dans le pays. Depuis sa création, il documente minutieusement les violations des droits économiques, sociaux et environnementaux. Le FTDES publie régulièrement des rapports sur les discriminations, la précarité, les conditions de travail, la pollution, les conflits environnementaux, ainsi que sur les mouvements sociaux et les violences policières. L’organisation est également une référence sur la question des migrations et des disparitions en mer, en apportant un accompagnement aux familles de migrants portés disparus et en surveillant les pratiques des forces de sécurité aux frontières.

L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dont les activités ont été gelées en Tunisie, est une ONG internationale reconnue qui travaille depuis des décennies contre la torture, les mauvais traitements et les détentions arbitraires. En Tunisie, son bureau soutenait des victimes de torture et de violences policières, assurait un accompagnement juridique et psychologique, et formait des avocats, médecins et acteurs sociaux pour renforcer les mécanismes de prévention. L’OMCT contribuait également à documenter les violations, à suivre des cas individuels devant les tribunaux et à renforcer les capacités des institutions pour que le pays respecte ses obligations internationales. Son action, très encadrée juridiquement, visait à garantir que toute personne ait accès à la justice et à une protection contre les abus sécuritaires.

Contrairement aux insinuations répandues en ligne, ces organisations opèrent dans un cadre juridique clair, défini par le Décret-loi 2011-88, qui régit la liberté d’association en Tunisie. Ce texte, considéré comme l’un des plus avancés de la région, garantit la libre création des associations, protège leur indépendance et encadre strictement leur financement.

Toute association recevant des fonds de l’étranger doit les déclarer aux autorités, tenir une comptabilité transparente et publier ses rapports financiers. Le décret-loi interdit explicitement toute ingérence étrangère ou activité contraire à l’intérêt national, et permet à l’État de contrôler la conformité des financements. La loi offre donc un mécanisme de surveillance légal et public, ce qui rend infondée toute accusation de « financement occulte » ou d’agendas cachés relayée sans preuve par la page Facebook.

Accuser ces organisations de servir des intérêts étrangers, sans apporter aucune preuve ni mentionner ce cadre juridique, relève d’une stratégie de manipulation visant à discréditer des acteurs qui travaillent quotidiennement avec des victimes, des familles et des communautés entières. Les insinuations de la page « La Tunisie pour les Tunisiens » détournent l’attention du travail concret des ONG et sapent la confiance dans un secteur clé pour la démocratie, les droits humains et la protection des personnes vulnérables.

R.A

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