Le Collectif contre la criminalisation de la solidarité a publié, dimanche 9 novembre 2025, un nouveau communiqué rappelant le cas d’Abdallah Saïd, président de l’association Enfants de la Lune à Médenine, détenu depuis novembre 2024. L’organisation dénonce une affaire emblématique d’un État qui, selon elle, confond solidarité humaine et menace sécuritaire.
Arrêté il y a 360 jours, Abdallah Saïd est poursuivi dans le cadre d’une enquête portant sur le financement étranger de son association, accusée d’avoir apporté une aide humanitaire à des migrants — parmi lesquels de nombreux enfants — dans le Sud tunisien. Le dossier comporte des chefs d’inculpation lourds, allant jusqu’à « complot contre l’État » et « modification de la composition démographique du pays », des accusations que le Collectif qualifie de « produits d’une rhétorique xénophobe relookée en argument d’État ».
Un médecin au parcours irréprochable
Le communiqué rappelle que le docteur Abdallah Saïd a consacré plus de trente ans de sa carrière à la santé publique, sans jamais distinguer un patient d’un autre selon son origine, sa langue ou sa couleur. Il a multiplié les engagements dans la région de Médenine, notamment à travers la création de l’association Enfants de la Lune et la coordination du Collectif des associations locales.
Ces structures, assure le Collectif, sont devenues des espaces d’intégration sociale et économique, fournissant soutien médical et psychologique, formations, accompagnement scolaire et prise en charge de femmes vulnérables. Le texte décrit son engagement comme « une citoyenneté vécue au quotidien ».
Un glissement vers la criminalisation
Pour le Collectif, la poursuite judiciaire engagée contre Abdallah Saïd constitue un tournant grave dans le traitement des acteurs humanitaires en Tunisie. L’organisation estime que le pouvoir politique s’appuie désormais sur un discours alarmiste autour d’un supposé « plan de changement démographique », une thèse largement relayée depuis deux ans dans certains cercles sécuritaires et médiatiques.
« Le migrant n’est plus un être humain, mais un suspect en puissance », écrit le Collectif dans un texte au ton particulièrement sévère, comparant le climat actuel à « l’une des pages les plus sombres de la xénophobie moderne ». La formule vise directement la justification officielle utilisée dans plusieurs dossiers liés à la migration.
Entre solidarité punie et racisme célébré
Le Collectif accuse les autorités d’ériger en crime tout acte humanitaire, tout en fermant les yeux sur les expressions croissantes de haine raciale. « Alors que d’autres pays célèbrent les réussites des descendants de migrants, comme le politicien américain Zohran Mamdani, la Tunisie emprisonne l’un de ses symboles d’humanité », affirme le texte.
Selon l’organisation, l’affaire Abdallah Saïd révèle « la distance inquiétante entre l’État de droit et la volonté de punir », et illustre une dérive où « la solidarité devient une faute, et la compassion un délit aggravé ».
R.B.H










