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Le ministère de la Santé renie sa signature : la colère des jeunes médecins explose

Service IA, Business News

Par Maya Bouallégui

Quatre mois après la signature du procès-verbal du 3 juillet 2025 entre le ministère de la Santé, l’Ordre des médecins et l’Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM), aucun engagement n’a été respecté.

Les jeunes médecins, qui avaient suspendu leur mouvement après l’intervention de l’Ordre, dénoncent aujourd’hui un mensonge d’État.

La réunion tenue hier mardi 11 novembre 2025 à Tunis a révélé l’ampleur du décalage entre les promesses officielles et la réalité.

Des promesses écrites, aucune appliquée

Ainsi, le président de l’OTJM, Wajih Dhokkar, a publié un compte rendu précis sur sa page Facebook.

Le texte, accompagné d’un fac-similé du procès-verbal de juillet, montre noir sur blanc les engagements pris et signés par le chef de cabinet du ministre, Mabrouk Aounallah, en présence de l’Ordre des médecins dont le représentant a apposé sa signature.

Cet accord prévoyait notamment le paiement des gardes impayées, la révision du service civil dans les cas humanitaires et l’entrée en vigueur d’une revalorisation salariale à partir de janvier 2026.

Or, quatre mois plus tard, aucun de ces points n’a été appliqué.

Les délais fixés ont expiré, aucune note officielle n’a été publiée, et la communication du ministère se limite à des phrases creuses du type : « Patientez, nous y travaillons ».

Les propos de Dhokkar résument la frustration des médecins : « Comment une décision simple peut-elle nécessiter quatre mois pour être signée alors qu’elle ne demande que cinq minutes ? »

Il dénonce une administration incapable d’honorer la moindre échéance, même lorsqu’elle a apposé sa signature sur un document formel.

Mépris administratif et situations indignes

Les gardes impayées demeurent un scandale à part entière. Dans certains hôpitaux, des praticiens n’ont pas été rémunérés depuis trois ans pour leurs heures de permanence.

D’autres continuent de travailler sans reconnaissance officielle de leurs gardes.

Quant au service civil, il reste appliqué de manière brutale, sans considération pour les situations humaines : des femmes enceintes sont affectées dans deux gouvernorats à la fois, d’autres contraintes de parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre leur poste, parfois en l’absence d’infrastructures adaptées.

Le ministre aurait promis d’intervenir personnellement dans certains cas, mais aucun texte n’a suivi.

Le projet de note fixant les critères de dérogation, annoncé pour septembre, n’a jamais vu le jour.

Une augmentation fantôme et un budget sans trace

La situation salariale n’est guère plus encourageante. L’accord du 3 juillet prévoyait une augmentation des salaires des jeunes médecins à compter de janvier 2026, mais aucune trace de cette mesure n’apparaît dans le projet de budget 2026, long de 400 pages.

Les responsables du ministère ont reconnu devant la délégation de l’OTJM que « la mesure ne pouvait pas être intégrée dans la loi de finances ».

Pour les jeunes médecins, c’est la preuve d’un reniement institutionnel : le ministère signe des accords qu’il ne prévoit même pas de financer.

« Ils ont prévu de réparer un scanner dans un hôpital régional, mais rien sur la hausse des salaires de 7.200 jeunes médecins », a ironisé M. Dhokkar.

Fin de la médiation, retour à la rue

Face à cette impasse, l’OTJM rejette désormais toute tentative de médiation.

L’Ordre des médecins, qui avait garanti l’accord de juillet, est considéré comme discrédité.

« Nous ne referons pas confiance, ni au ministère, ni à l’Ordre. La prochaine étape se jouera dans la rue », a averti M. Dhokkar, évoquant une mobilisation imminente.

Pour l’OTJM, il ne s’agit plus d’une simple revendication salariale, mais d’un combat pour la dignité et le respect de la parole donnée.

Un ministère en crise interne

Ce nouvel épisode s’inscrit dans une crise plus large au sein du ministère de la Santé.

Depuis plusieurs semaines, le département traverse une zone de turbulences marquée par des tensions internes, des départs précipités et des rumeurs persistantes sur de possibles scandales administratifs et financiers.

Mardi 4 novembre, une série de décrets a officialisé des changements en cascade à la tête de plusieurs directions.

Le professeur Walid Naija a été nommé directeur général de la santé et chargé de mission au cabinet du ministre, tandis que Nozha Moussa a été désignée directrice générale des services communs.

Ces nominations ont été accompagnées de la révocation du professeur Abderrazak Bouzouita et de Naceur Zaidi, deux hauts cadres du ministère.

Dans les couloirs du département et sur les réseaux sociaux, les spéculations se multiplient.

Des bruits font état d’un scandale interne impliquant plusieurs responsables, dont le chef de cabinet Mabrouk Aounallah, signataire du PV du 3 juillet.

Aucune confirmation officielle n’a été donnée, mais le climat est lourd.

Le personnel parle d’un ministère en ébullition, secoué à la fois par la colère de ses jeunes médecins et par ses propres crises internes.

Une parole d’État sans valeur

Au-delà de la colère de l’OTJM, c’est la crédibilité du ministère de la Santé qui vacille.

L’échec de la médiation avec l’Ordre des médecins, la non-application d’un accord signé et les tensions administratives internes forment un tableau désastreux d’improvisation et d’irresponsabilité.

Le dossier des jeunes médecins, emblématique d’une génération sacrifiée, met à nu une habitude bien ancrée : un État qui promet pour désamorcer la crise, puis oublie dès que la tension retombe.

Dans ce climat de défiance, la question n’est plus de savoir si les jeunes médecins reprendront la rue et les grèves, mais jusqu’où ira leur rupture de confiance avec un État qui ne respecte plus ni ses engagements, ni sa signature.

Le plus dramatique est que cette parole discréditée et trahie de l’État ne touche pas que le ministère de la Santé.

Maya Bouallégui

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