L’impôt sur la fortune s’est imposé comme le principal point de friction entre l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et les commissions des finances et du budget du Parlement et du Conseil des régions et des districts. Reçue samedi 15 novembre 2025 pour présenter ses propositions sur le projet de la Loi de finances 2026 (PLF 2026), l’organisation patronale, conduite par son président Samir Majoul, a exprimé un refus catégorique de cette mesure, qu’elle juge dangereuse pour l’économie et préjudiciable au climat d’investissement.
Dès l’ouverture de la séance, Samir Majoul a alerté sur les conséquences de cette taxe, prévue par l’article 50 du projet. Selon lui, les actifs concernés — biens immobiliers, avoirs financiers et patrimoine déclaré — sont déjà soumis à diverses impositions, et une nouvelle taxe viendrait fragiliser l’investissement, freiner l’épargne et entamer la confiance des investisseurs. Il a rappelé que ces actifs constituent généralement des garanties essentielles dans la relation entre entreprises et institutions financières, et que l’immobilier, en particulier, représente un moteur de développement. S’appuyant sur des expériences internationales jugées peu concluantes, l’Utica a demandé la suppression « pure et simple » de cet article.
Le président de l’organisation patronale a également insisté sur la nécessité d’une fiscalité stable, claire et encourageante, condition indispensable pour permettre aux entreprises de planifier, d’investir et de créer de la valeur ajoutée. Il a réaffirmé que seule une politique fiscale tournée vers l’investissement, la croissance et l’exportation peut assurer prospérité économique, stabilité sociale et renforcement de la souveraineté nationale.
Les représentants de l’Utica ont présenté une série de propositions visant à alléger la charge fiscale sur les entreprises organisées, à intégrer progressivement le secteur parallèle et à moderniser le cadre réglementaire. Parmi ces demandes figurent :
- la révision du plafond de la TVA à 7% sur les logements ;
- l’amendement de l’article 18 du Code de la TVA pour élargir les documents pouvant remplacer la facture dans le transport rapide de colis ;
- la suppression de l’article 68 de la Loi de finances 2025 ;
- la révision du droit de sortie appliqué au marbre exporté ;
- l’exonération douanière des matières premières destinées à l’industrie ;
- la suppression du droit de consommation sur certains produits des secteurs parfumerie et cosmétique ;
- une réforme complète de la réglementation encadrant l’alcool et la simplification totale des procédures d’importation via la numérisation.
L’Utica a également proposé de supprimer la redevance environnementale sur certains matériaux considérés comme des intrants industriels, d’imposer un droit de douane de 10% sur les pneus importés hors UE, et d’exonérer ces derniers de la redevance environnementale.
Dans le domaine de l’exportation, l’organisation appelle à l’abrogation de l’article 52 de la Loi de finances 2022 afin de rétablir la suspension de la TVA sur les achats destinés à l’export.
Parmi les mesures incitatives recommandées figurent aussi l’exemption des revenus d’exportation, l’allégement des droits d’enregistrement sur les acquisitions immobilières destinées à l’habitation, l’extension de la redevance d’encouragement à l’innovation, la mise en place d’un droit de douane sur le sucre importé, ainsi que la réduction du champ d’application du taux d’IS à 35%.
Les députés présents ont appelé à une meilleure coordination entre les pouvoirs exécutif et législatif, notamment à travers une transparence accrue sur l’exécution des Lois de finances et les résultats des politiques publiques. Ils ont également interrogé les représentants de l’Utica sur l’article 13, relatif à l’emploi des diplômés dans le secteur privé, ainsi que sur la question de l’augmentation des salaires.
Certains élus ont plaidé pour un nouveau contrat social, la restructuration de plusieurs secteurs économiques et un plan ferme contre le secteur parallèle et la dérive des importations.
Les représentants du patronat ont réaffirmé leur ambition de doubler la croissance et de réduire le chômage via un renforcement des partenariats avec les investisseurs étrangers. Ils ont jugé l’article 13 « positif » au regard des incitations qu’il offre à l’emploi.
Enfin, l’Utica a renouvelé ses appels à la réduction de la pression fiscale, à la simplification des procédures, à la diminution des autorisations administratives et à l’ouverture accrue de secteurs stratégiques au partenariat avec le privé, rappelant une nouvelle fois son opposition ferme à l’impôt sur la fortune.
Le projet de Loi de finances 2026 introduit un impôt sur la fortune destiné à renforcer la justice fiscale en ciblant les patrimoines élevés. Applicable dès le 1ᵉʳ janvier, il concernera tous les biens mobiliers et immobiliers des particuliers — y compris ceux des enfants mineurs — avec deux taux : 0,5 % pour les patrimoines entre trois et cinq millions de dinars et 1 % au-delà de cinq millions. L’impôt portera sur l’ensemble des avoirs situés en Tunisie (et à l’étranger pour les résidents), tout en excluant le logement principal, les biens professionnels exploités et les véhicules de puissance modérée. Basé sur la valeur nette après déduction des dettes, il devra être déclaré avant le 30 juin par voie électronique. L’objectif affiché : diversifier les ressources de l’État et faire contribuer davantage les grandes fortunes à l’effort national.
I.N.











