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La grogne sociale explose : 589 protestations en novembre, une flambée de 80%, selon le FTDES

Manifestation à Tunis pour la défense des droits des femmes

Par Nadya Jennene

Le mois de novembre 2025 s’est achevé sur un climat d’effervescence civile et politique rarement atteint depuis des années, selon le rapport mensuel du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). L’organisation a recensé 589 mouvements de protestation, soit une hausse de près de 80% par rapport à la même période de l’année précédente (330 protestations). Depuis janvier, la Tunisie a totalisé 4 838 protestations, contre 2 638 en 2024 — une augmentation de 83,4%.

Fait exceptionnel, les protestations liées aux droits civils et politiques ont dépassé celles relevant des droits économiques et sociaux. Elles représentent 43,46% des actions recensées, alors que les revendications liées au droit à l’emploi se situent à 39,9% de l’ensemble de mouvements. 

Une inversion rare qui, selon le FTDES, traduit « un sentiment croissant d’injustice, de peur et d’insécurité », largement nourri par « les menaces que font peser les parcours judiciaires récents sur les droits et libertés ».

Le rapport de l’organisation rappelle que la fin du mois a été marquée par une succession de décisions judiciaires qui ont profondément bouleversé le paysage politique. Dans l’affaire dite de « complot », la Cour d’appel de Tunis a prononcé des peines allant jusqu’à quarante-cinq ans de prison contre plusieurs opposants politiques. 

Ces condamnations ont été appliquées avec l’arrestation de l’activiste Chayma Issa, interpellée le 29 novembre alors qu’elle participait à une marche pour les droits et libertés. Condamnée à vingt ans de prison, elle est devenue l’un des symboles de cette séquence politique.

Ont suivi l’arrestation de l’avocat Ayachi Hammami le 2 décembre (condamné à cinq ans), puis celle du leader politique Ahmed Néjib Chebbi, arrêté le 4 décembre pour exécuter une peine de douze ans d’emprisonnement.

Selon le FTDES, ces événements ont fait de novembre « un mois pivot où la question de la citoyenneté pleine et entière s’est imposée au cœur du conflit politique », consacrant davantage « l’image d’un État punitif envers ceux qui contestent ses récits ».

Durant le mois, 111 protestations ont visé des décisions judiciaires, 90 un acte administratif, 33 ont visé à soutenir une personne, et 19 à dénoncer une position politique.

Parallèlement, les mouvements liés au droit à l’emploi se sont multipliés, notamment chez les diplômés chômeurs, dans un contexte marqué par le débat parlementaire sur la loi de finances et la discussion de l’article 57 sur l’embauche des chômeurs de longue durée.

Les revendications concernent également l’amélioration des conditions de travail, la régularisation des statuts professionnels, le paiement des salaires en retard ou encore la dénonciation de licenciements jugés abusifs.

Les revendications environnementales constituent 6,28 % des protestations du mois, selon le FTDES. Le gouvernorat de Gabès concentre un tiers de ces actions en raison des fuites de gaz toxiques du complexe chimique tunisien, à l’origine de nombreux cas d’asphyxie. 

D’autres régions — Kairouan, Siliana, Kasserine, Bizerte, Nabeul, Béja — ont réclamé l’accès à l’eau potable, la fermeture de décharges anarchiques ou encore la lutte contre la pollution marine.

Les formes de contestation observées en novembre ont été d’une remarquable diversité, révélant l’intensité d’un climat social sous tension. Au total, 164 sit-in ont été enregistrés, auxquels se sont ajoutés 90 jours d’occupation de locaux, 87 jours de grève de la faim et 69 grèves déclarées. À cela s’ajoutent 133 protestations menées en ligne, ainsi qu’une série d’actions plus visibles : levée de brassards rouges, blocages de routes, occupations d’administrations, incendies de pneus et même deux marches se dirigeant vers Tunis.

La géographie de la contestation dessine une carte profondément remodelée, même si Tunis demeure le principal foyer de mobilisation avec 135 actions recensées. La capitale est suivie par la Manouba (65 protestations), Gafsa (50), Kasserine (35), puis Bizerte, Tozeur, Sousse et Gabès, ex æquo avec 22 mouvements chacun. À l’autre extrémité du spectre, Zaghouan ne compte que trois protestations, fermant ainsi le classement.

La diversité des acteurs engagés dans ces mouvements illustre une société en pleine ébullition. Pas moins de 117 protestations ont été menées par des employés et ouvriers, tandis que 101 actions émanent de militants. Les étudiants, très actifs, ont organisé 95 mouvements, suivis par 62 protestations initiées par des habitants. Les syndicats ont joué un rôle notable avec 47 actions, tout comme les avocats (40), les diplômés chômeurs (37) et les journalistes (24). Les enseignants ont pris part à 13 mouvements, et les agriculteurs à 12, complétant ainsi le tableau d’une mobilisation plurielle et persistante.

N.J

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