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Kaïs Saïed a-t-il opté définitivement pour la confrontation avec ses opposants ?

Par Sofiene Ben Hamida

Par Sofiene Ben Hamida

Pour la troisième semaine de suite, une manifestation massive a eu lieu dans les rues de la capitale, marquant le fossé qui ne cesse de s’élargir entre le pouvoir en place et les différentes franges de la population tunisienne.

Contrairement aux espérances du pouvoir et aux fatuités de ses laquais, la manifestation de ce samedi 6 décembre 2025 était plus imposante que les deux manifestations précédentes. Deux raisons au moins expliquent cette mobilisation. La première est la diversité des revendications, qui ont touché tous les aspects de la vie sociale, économique et politique du pays. Il est clair que les franges qui se sentent lésées par le pouvoir actuel s’élargissent et commencent à crier haut et fort leur mécontentement. Les manifestations hebdomadaires leur donnent l’occasion d’exprimer leur colère.

Par leur ampleur et leur caractère national, ces manifestations hebdomadaires donnent aux revendications locales, régionales ou sectorielles une meilleure visibilité. Au cours du seul mois de novembre 2025, plus de cinq cents mouvements sociaux ont été enregistrés dans le pays. Seulement, les autorités ont réussi à isoler ces mouvements et à rendre leurs revendications inaudibles en usant de leur mainmise sur les médias et du décret liberticide 54.

Une contestation multiple et désormais nationale

La seconde raison qui expliquerait la forte mobilisation constatée dans cette manifestation serait son ouverture sur toutes les expressions politiques, sans exception aucune. C’est probablement la première fois que les Tunisiens ont vu, dans une même manifestation, des banderoles qui expriment des orientations politiques différentes. Des photos de personnalités politiques d’obédiences contradictoires sont brandies, pas côte à côte mais presque. C’est que face à la répression du pouvoir et à son autisme politique, le rapprochement entre les différents partis politiques est devenu non seulement une nécessité, mais carrément une condamnation.

Aucun des partis politiques existants n’est en effet capable, par ses propres forces, d’infléchir ne serait-ce qu’un tant soit peu le comportement stoïque du pouvoir en place ou ses politiques. C’est cette constatation, plus que tous les appels anciens à une alliance entre les différentes sensibilités politiques, qui a été déterminante dans ce rapprochement, lequel rencontre encore pour le moment quelques réticences mais qui semble inévitable.

Quand la répression devient un facteur d’unité

Ceci sans oublier, bien entendu, les atteintes multiples et répétées aux libertés individuelles et publiques, qui n’ont épargné ni les partis politiques, ni les organisations et les associations de la société civile, ni même les syndicats, les corporations professionnelles ou les citoyens qui veulent simplement jouir de leur droit de citoyen.

Ces exactions ont constitué, ces derniers mois, un véritable ciment qui a lié les différentes composantes et les différentes générations de la société, et ont fini par convaincre tout le monde de l’impossibilité du salut personnel.

La logique de l’affrontement assumée

Face à cette forte mobilisation populaire, le pouvoir en place semble se murer dans sa logique conspirationniste : tous ceux qui ne le soutiennent pas sont des traîtres et des vendus à la solde des forces coloniales étrangères. On voit mal comment la fracture entre le pouvoir et les acteurs politiques et civils pourrait être comblée.

Pire encore, le président Kaïs Saïed semble avoir choisi définitivement la voie de la confrontation avec ses opposants. Sa dernière sortie à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du leader syndicaliste Farhat Hached est franchement inquiétante. Pour la première fois, les responsables de l’UGTT n’étaient pas présents à la cérémonie officielle. La grève générale annoncée le même jour, pour le 21 janvier prochain, risque de se tenir dans une ambiance électrique.

Le pays risque de sombrer dans la violence. Peu importe qui en sortira vainqueur, les Tunisiens ne veulent pas de cette violence qui, jusque-là, est verbale mais qui peut dégénérer à tout instant.

À bon entendeur, salut !

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3 commentaires

  1. jamel.tazarki

    8 décembre 2025 | 16h00

    Introduction: Il est important de réclamer les droits et les libertés, mais il ne faut pas non plus négliger de réclamer les garanties constitutionnelles qui les protègent contre les abus de pouvoir.

    – Tous nos droits et libertés sont en danger : le droit à l’intimité de la vie privée, l’inviolabilité du domicile, la liberté d’aller et de venir, le secret de la correspondance, la sûreté individuelle, le droit syndical, le droit de grève, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de l’enseignement, la liberté de réunion, la liberté d’association, etc. Je tiens à insister sur le fait que ces droits et libertés doivent avoir un statut constitutionnel. Il doit également exister des procédures permettant de garantir leur exercice en cas d’atteinte de la part des pouvoirs publics. Or, ces deux conditions ne sont pas remplies en Tunisie. En effet, la constitution de KS de 2022 est pleine d’erreurs de pensée, et de plus, elle n’est même pas prise au sérieux par KS lui-même:
    –>
    1) Je cite Mr. Sofiene Ben Hamida : « En août 2022, il [KS] jette à la poubelle un projet collectif de constitution et publie sa propre constitution. Tant pis pour ce peuple nigaud qui a avalé, sans réagir, la couleuvre des quarante-six erreurs qui se sont faufilées dans le texte publié :))
    Voir Business News TN du 06/04/2025 à 15:59.
    –>
    2) Je cite M. Mohamed Abbou : « Selon la Constitution actuelle, en cas de vacance du poste présidentiel, le pouvoir revient provisoirement au président de la Cour constitutionnelle. Voir Business News TN du 19/01/2025 à 17:27.
    Autrement dit, « en cas de vacance du poste présidentiel, le pouvoir revient provisoirement au président de la Cour constitutionnelle ». Or, nous n’avons pas de Cour constitutionnelle, et donc pas de président de la Cour constitutionnelle. –> Et prétendre que notre constitution est géniale.

    3) je cite Business News TN du 03.02.2024
    L’absurdité des 10000 parrainages non numérisés et non soumis à l’obligation d’une signature légalisée, et donc facilement contestables a posteriori, que aucun candidat n’a pu franchir sain et sauf, à l’exception de KS grâce à sa position.
    –>
    L’actuelle loi électorale est inutilisable dans sa version actuelle.

    4) Je cite l’article de Business News TN du 6 décembre 2005, intitulé « La ministre des Finances suspend la plénière ».
    « En revanche, si la plénière commune rejette le texte unifié ou si la commission paritaire échoue à produire une proposition dans les délais, alors — en vertu des articles 17 et 18 — le projet de loi de finances initialement approuvé par l’Assemblée des représentants du peuple est transmis au président de la République pour promulgation. » 🙂

    Je m’explique :
    – La promulgation est l’acte officiel par lequel le chef de l’État constate qu’une loi a été régulièrement adoptée par les deux chambres afin de la rendre exécutoire et ainsi applicable.
    – La promulgation intervient après le vote de la loi par les deux chambres : le Parlement et le soi-disant Conseil national des régions et districts.
    –>
    De ces faits, la loi devrait être adoptée par les deux chambres, sinon elle ne devrait pas être soumise au président de la République pour la promulgation.
    –>
    Comprenez enfin que c’est du non-sens, cet algorithme de vote des lois en Tunisie: Une loi est soumise à la promulgation auprès du président de la République alors qu’elle a été rejetée par l’une des deux chambres. C’est quoi cette Charabia?
    –>
    On pourrait se demander ainsi pourquoi ce folklore de deux chambres qui ne nous coûte que de l’argent, du temps et de la frustration, si la loi est de toute façon promulguée, même si elle a été rejetée par l’une des deux chambres ?
    –>
    la faute à la consitution de KS de 2022

    5) KS nous a promis une Cour constitutionnelle dans sa constitution, mais il n’en est rien.

    6) Nous sommes dans une situation où les structures de contrôle démocratique ont été neutralisées. Ces structures sont fondées sur la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) afin de garantir un équilibre, ainsi que sur des institutions indépendantes, telles que les tribunaux. Elles incluent également des mécanismes tels que des élections libres et équitables, la liberté de la presse, de réunion et d’expression, ainsi que la participation citoyenne (consultations publiques, budgets participatifs):
    6.1) Les institutions et mécanismes de contrôle:
    – Contrôle du législatif sur l’exécutif : Le Parlement a le pouvoir de contrôler et d’interroger le gouvernement.
    – Institutions indépendantes : Des organismes comme les tribunaux ou des institutions spécialisées (contrôle de police, etc.) veillent à la légalité des actions gouvernementales et au respect des droits fondamentaux.
    – Libertés fondamentales : la liberté de la presse, de réunion et d’association permet d’engager un débat public sur l’action du gouvernement.
    – Participation citoyenne : les citoyens peuvent participer directement au processus décisionnel par le biais de référendums, de consultations publiques, de conseils citoyens ou de budgets participatifs.

    6.2) Pas de justice sans le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont les membres sont élus et non pas nommés par le Président de la République.

    – Le CSM garantit l’indépendance et l’impartialité de la justice, conditions nécessaires à l’État de droit. En gérant la carrière des magistrats et en statuant sur leurs nominations et leur discipline, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) contribue à assurer un système judiciaire indépendant des pressions extérieures.

    – Le CSM est le conseil de discipline des magistrats, ce qui lui permet de traiter / contrôler les comportements des juges et des procureurs et de veiller à ce que l’institution judiciaire respecte ses devoirs déontologiques.

    – Le CSM renforce l’indépendance des magistrats en évitant toute ingérence politique ou hiérarchique, et en garantissant que les jugements seront basés uniquement sur le droit et les faits du dossier.

    – Le CSM contribue à maintenir la confiance du public dans l’institution judiciaire, car l’indépendance et l’impartialité de la justice sont nécessaires pour garantir un procès équitable.

    – Le CSM garantit le respect de l’égalité de tous devant la loi, car celle-ci repose sur l’accès à une magistrature impartiale.

    – Les justiciables peuvent saisir le CSM pour dénoncer le comportement d’un magistrat, renforçant ainsi le contrôle de ses actions et sa responsabilité.

    6.3) Pas de justice sans Cour constitutionnelle.
    L’importance d’une Cour constitutionnelle réside dans sa mission de garantir le respect de la Constitution et de l’État de droit, en veillant à ce que les lois soient conformes à la loi suprême du pays. Elle protège les droits et libertés fondamentaux des citoyens, limite le pouvoir du législateur et veille à l’équilibre entre les pouvoirs publics.
    – Rôle principal :
    – contrôle de constitutionnalité des lois : vérifie si les lois et règlements sont conformes à la Constitution et à d’autres textes à valeur constitutionnelle, comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
    – protection des droits et libertés : protège les droits et libertés fondamentaux des citoyens, notamment en cas de contestation d’une loi existante.
    – Régulation des pouvoirs publics : assure le bon fonctionnement des institutions de l’État et veille à l’équilibre des pouvoirs.
    – contrôle des élections ; Veille à la régularité des élections nationales (présidentielle, législatives, référendum) et proclame les résultats.
    – Avis et contentieux : peut être amenée à donner des avis dans des situations spécifiques et à traiter des contentieux.
    – Garantir la stabilité démocratique : assurer la stabilité démocratique en protégeant la Constitution des atteintes potentielles d’une majorité parlementaire, surtout dans les pays ayant connu des régimes autoritaires.

    Fazit: Il est important de réclamer les droits et les libertés, mais il ne faut pas non plus négliger de réclamer les garanties constitutionnelles qui les protègent contre les abus de pouvoir.

    Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien

  2. zaghouan2040

    8 décembre 2025 | 5h31

    « Tu peux tuer le rêveur ; mais tu ne pourras jamais tuer le rêve »
    Joan Baez

  3. Hannibal

    7 décembre 2025 | 17h20

    Imaginez que vous payez les services d’une personne qui se présente comme jardinier professionnel. Chaque jour, au lieu de s’occuper du jardin, il lutte contre les moustiques tigres dont l’activité est diurne. Il vous dit qu’il doit d’abord libérer votre jardin des moustiques sans quoi il ne s’épanouira jamais. A la fin de chaque journée, vous constatez que l’état de votre jardin est de pire en pire et la personne ose vous demander d’être payé pour la journée en vous promettant que demain votre jardin ira mieux parce qu’il l’aura débarrassé des moustiques tigres…