Ali Bouazizi, membre de la Chambre syndicale des joaillers, a dressé un tableau inquiétant de la situation du secteur. Entre flambée des prix, recul du pouvoir d’achat, prolifération des intrus et disparition progressive du savoir-faire artisanal, la filière de l’or en Tunisie traverse une crise profonde.
Un gramme d’or à plus de 400 dinars
Invité de Jawhara FM, mardi 9 décembre 2025, Ali Bouazizi a rappelé que le prix de l’or a atteint des niveaux jamais vus. Le gramme d’or travaillé se vend aujourd’hui entre 380 et 450 dinars, tandis que l’or brut tourne autour de 395 dinars le gramme, et même 407 dinars aujourd’hui même.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la hausse des cours profiterait aux bijoutiers, le professionnel affirme que cette flambée pénalise toute la chaîne. Plus l’or devient cher, moins les Tunisiens achètent : « Quand l’or augmente, le client ne suit plus, et même le travail diminue », résume-t-il. Une pièce qui pesait dix grammes hier est désormais réalisée en six grammes, simplement pour rester « accessible » – au détriment de la qualité et du volume du travail.
Une demande mondiale, un marché local étouffé
Selon Ali Bouazizi, la hausse du prix de l’or est avant tout liée à la demande internationale. L’or reste une valeur refuge pour les États, qui constituent leurs réserves non pas en monnaie, mais en métal jaune. Les pays en guerre ou en tension, comme la Russie, la Chine ou l’Ukraine, en achètent massivement, ce qui alimente la hausse des cours à l’échelle mondiale.
Sur le marché tunisien, l’or importé existe, illégalement, mais il n’est pas moins cher que l’or local. La profession, précise le responsable, travaille dans le cadre légal, avec un circuit passant par la Banque centrale et des mécanismes de contrôle et d’agrément. Mais cela ne suffit plus à protéger le secteur.
Plus de vendeurs que d’acheteurs
Dans les boutiques, le thermomètre de la crise est clair : les Tunisiens viennent davantage pour vendre que pour acheter. Ali Bouazizi estime qu’environ 40 % des personnes qui se présentent sur le marché viennent céder leurs bijoux, contre 30% seulement qui achètent, le reste se contentant de regarder les vitrines.
Les achats se concentrent désormais sur quelques occasions : fiançailles, mariage, certaines fêtes religieuses ou encore la Saint-Valentin. Le grand trousseau d’antan, avec bracelets, colliers et chevillières lourdes en or, devient un luxe inaccessible. Dans certaines régions, la tradition du « tout or » pour la mariée n’est tout simplement plus possible.
Intrus, faux et argent non contrôlé
Au-delà de la cherté, le secteur souffre d’un autre fléau : la prolifération des « intrus ». Ali Bouazizi déplore l’entrée de personnes étrangères au métier, qui ne respectent ni les règles ni l’éthique de la profession. Ces pseudo-bijoutiers peuvent par exemple diminuer le poids des pièces lors des réparations ou transformations, sans que le client ne s’en aperçoive.
Le responsable rappelle que l’or devrait être strictement tracé et contrôlé, avec un double poinçon : celui de l’artisan et celui de l’État. Il explique le rôle de « Dar Ettabbaa », structure relevant du ministère des Finances, chargée de vérifier le titre et d’apposer le poinçon officiel.
Il alerte également sur la situation de l’argent, dont le poinçon est devenu facultatif. La suppression de l’obligation de marquage a, selon lui, ouvert la porte à des dérives : l’argent peut être allié à d’autres métaux, vendu comme argent massif, sans garantie pour le consommateur.
Un métier qui se perd et des ateliers fermés
Ali Bouazizi s’inquiète aussi de la disparition progressive du travail artisanal. Le vrai bijou « fait main » se raréfie, remplacé par des productions plus industrielles. Le métier s’apprenait autrefois auprès des maîtres artisans, sur plusieurs années, avec une véritable transmission de savoir-faire.
Aujourd’hui, entre la baisse de la demande, la cherté de la matière première et la concurrence de produits venus de l’étranger, de nombreux ateliers ont fermé. Il avertit qu’un jour, les Tunisiens risquent de ne plus trouver personne pour réparer une pièce ancienne ou restaurer un bijou de famille.
Appel aux autorités pour sauver la filière
Face à ce constat, Ali Bouazizi lance un appel aux autorités, et tout particulièrement au président de la République. Il demande que l’État se penche sérieusement sur le sort de la filière.
« Nous pouvons travailler, créer de la valeur et faire entrer beaucoup d’argent dans le pays, à condition qu’on nous aide à protéger la profession », plaide-t-il, en rappelant que la bijouterie n’est pas seulement un luxe, mais un véritable levier économique aujourd’hui fragilisé.
M.B.Z











Commentaire
le financier
La solution est simple , permettre a la banque central d acheter cet or chez les bijoutier , faire fondre faire piece et lingot qui seront vendu au fond d investissement a condition de permettre la création de fond d investissement or qui seront vendu sur le marché tunisien .
Archaïque pays