L’émission animée par Samir Elwafi sur El Hiwar Ettounsi a suscité un tollé après avoir offert, dimanche soir, une tribune à des intervenants affirmant pouvoir traiter le cancer par des remèdes naturels non validés. Une séquence qui a relancé les inquiétudes autour de la médiatisation du charlatanisme et poussé les instances professionnelles à réagir fermement.
Un communiqué ferme contre les dérives télévisuelles
Le Conseil de la presse a publié, mercredi 10 décembre 2025, un communiqué exprimant son « profond mécontentement » à la suite de la diffusion sur El Hiwar Ettounsi d’une émission ayant relayé « des traitements du cancer non prouvés » fondés sur « des pratiques de charlatanisme », en donnant la parole à des intervenants avançant des affirmations « trompeuses ».
Le Conseil considère qu’il s’agit d’« une dérive dangereuse » qui viole les règles du journalisme et expose les patients et leurs familles à des risques majeurs. Il rappelle que le travail journalistique repose sur la recherche de la vérité, la vérification des sources et l’interdiction de diffuser des informations non fiables. Promouvoir des thérapies illusoires ou scientifiquement infondées constitue, selon lui, « un manquement grave » aux devoirs de la profession.
Le communiqué souligne également que de tels contenus « trompent les patients », pouvant les pousser à adopter des comportements dangereux, en particulier lorsqu’ils concernent des maladies graves.
Le Conseil invoque par ailleurs les chartes professionnelles et la réglementation en vigueur, notamment le décret 116 de 2011, qui prévoit une responsabilité a posteriori pour tout contenu médiatique trompeur ou contraire aux règles de sécurité sanitaire.
Une alerte déjà lancée par le Conseil de l’ordre des médecins
Ce rappel intervient après une réaction particulièrement ferme du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), publiée mardi 9 décembre 2025. Sa présidente a condamné la diffusion sur El Hiwar de contenus « promouvant la tradithérapie comme une alternative ou un substitut à la médecine fondée sur les preuves ».
Selon le Cnom, ces interventions, dépourvues d’encadrement scientifique et d’avertissements, « induisent le public en erreur » et risquent de provoquer « des retards diagnostiques ou thérapeutiques graves ». Le Conseil a également annoncé son intention de déposer une plainte formelle contre l’émission, estimant que laisser croire que le cancer peut être traité par des plantes médicinales présentées par une personne « sans aucun lien avec la profession médicale » constitue un danger manifeste pour la santé publique.
Entre attrait populaire et risques sanitaires
Cette mise en garde intervient dans un contexte où la médecine naturelle connaît un regain d’intérêt en Tunisie. Confrontés aux tensions du système de santé, aux délais d’attente et parfois au coût des traitements, de nombreux citoyens se tournent vers des remèdes traditionnels ou alternatifs.
Pour certains, ce choix reflète la déception face à une médecine moderne perçue comme trop lente ou insuffisamment efficace. Pour d’autres, il s’agit de perpétuer un héritage culturel rassurant, associé à une médecine supposée « plus douce ».
Mais derrière cette popularité, des risques bien réels sont documentés. L’absence de validation scientifique, le manque d’encadrement des praticiens et l’usage de substances non contrôlées constituent autant de dangers. Les remèdes peuvent être mal dosés, contaminés ou interagir dangereusement avec des médicaments conventionnels. Le risque le plus grave reste toutefois l’abandon ou le retard d’un traitement médical nécessaire.
Une responsabilité médiatique pleinement engagée
Le Conseil de la presse rappelle que les contenus médicaux ne sont pas un divertissement : ils doivent reposer sur des données scientifiques et être validés par des spécialistes. Toute banalisation de pratiques non éprouvées crée une « légitimité artificielle » qui brouille les repères du public.
Selon le Conseil, « la protection du public, en particulier des personnes vulnérables et des malades, est un principe fondamental du travail médiatique ». Il appelle toutes les rédactions à se conformer strictement aux règles professionnelles et éthiques, et à ne pas offrir une tribune aux discours relevant de la superstition ou de la pseudo-science.
Vers une approche nuancée des remèdes traditionnels
Si les autorités médicales rejettent fermement les dérives dangereuses, plusieurs chercheurs tunisiens appellent à une approche nuancée : certaines connaissances traditionnelles pourraient receler un potentiel thérapeutique réel, à condition d’être soumises à des études rigoureuses, contrôlées et standardisées.
Toutefois, tant qu’aucune validation scientifique n’existe, aucune de ces approches ne peut être considérée comme une alternative crédible à la médecine moderne.
M.B.Z











