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Huile d’olive : après avoir allumé le feu, le régime s’interroge sur la fumée

Service IA, Business News

Par Maya Bouallégui

Prix internationaux élevés, prix locaux écrasés, stocks invendables, agriculteurs asphyxiés, exportateurs neutralisés et un ministre convoqué en urgence. La crise de l’huile d’olive n’est ni climatique ni accidentelle. Elle est le résultat direct d’une ingérence politique qui a piétiné les règles élémentaires du marché et détruit toute une filière pour un gain populiste dérisoire.

La filière tunisienne de l’huile d’olive traverse une crise d’une gravité exceptionnelle. Sur les marchés internationaux, les prix restent soutenus, portés par la demande mondiale et les tensions sur l’offre dans plusieurs pays producteurs. En Tunisie, en revanche, les prix à la production se sont effondrés. Les agriculteurs détiennent des volumes importants, mais ne trouvent pas preneur. Les stocks s’accumulent, les trésoreries s’assèchent et la campagne 2025-2026 s’annonce catastrophique.

Cette situation est économiquement aberrante. Dans un marché normal, régi par la loi universelle de l’offre et de la demande, les prix se forment librement en fonction des volumes disponibles et des besoins du marché. Lorsque la demande internationale est forte et que la production est écoulable à l’export, les prix suivent. C’est cette mécanique qui régule tous les marchés agricoles dans le monde. En Tunisie, cette loi a été volontairement saccagée.

Une ingérence politique contre les règles élémentaires de l’économie

Depuis deux campagnes consécutives, le régime de Kaïs Saïed a imposé des prix plafonds sur le marché intérieur, parfois en dessous du coût de revient. L’objectif affiché était de faire baisser le prix de l’huile d’olive pour le consommateur tunisien, d’un dinar ou deux, dans une logique ouvertement populiste. Pour offrir quelques miettes à court terme, le pouvoir a sacrifié l’équilibre de toute la filière.

En faussant les prix, l’État a dissuadé les agriculteurs, bloqué les transactions, rompu les circuits de financement et détruit la confiance. Le résultat est mécanique : un marché figé, des stocks invendables et des agriculteurs contraints de vendre à perte ou de ne pas vendre du tout. L’ingérence n’a pas protégé le consommateur. Elle a détruit l’outil de production.

Octobre 2024 : le signal politique de Henchir Chaâl

Cette politique de contrôle s’est doublée d’une judiciarisation brutale. Le 30 octobre 2024, en pleine campagne oléicole, Kaïs Saïed effectue une visite inopinée au complexe public de Henchir Chaâl, vaste domaine de près de 6.000 hectares et environ 400.000 oliviers. Le chef de l’État y dénonce un supposé « système de prédation » et annonce une reprise en main autoritaire d’un secteur stratégique.

Le signal est politique avant d’être économique. Quelques jours plus tard, la machine répressive se met en marche.

Début novembre 2024, Abdelaziz Makhloufi est arrêté. Principal exportateur du pays, il joue un rôle central dans le fonctionnement de la filière. Par le biais de crédits bancaires, il finance la campagne oléicole, achète les récoltes de milliers d’agriculteurs sur la base des cours internationaux, puis exporte vers les marchés étrangers. Il maîtrise les circuits, les acheteurs, les exigences de qualité et les délais.

Son arrestation ne touche pas un individu isolé. Elle coupe l’une des principales artères du secteur. Dans la foulée, Samir Taïeb, ancien ministre de l’Agriculture et plusieurs hauts responsables du ministère et de Henchir Chaâl sont également interpellés puis placés sous mandat de dépôt. Tous affirment avoir agi dans le cadre de la loi. Mais le régime n’instruit pas un dossier : il envoie un message.

La fuite de Ben Romdhane et la paralysie des exportations

Ce message est immédiatement compris. Adel Ben Romdhane, autre grand exportateur structurant, étroitement lié au système bancaire et notamment à la BH Bank, quitte le pays. Sa fuite n’est ni mystérieuse ni imprévisible. Elle est la conséquence directe du climat d’insécurité juridique instauré par le pouvoir.

Avec Makhloufi en prison et Ben Romdhane à l’étranger, les deux principaux débouchés privés disparaissent. Les agriculteurs voient venir la catastrophe. Les exportations se grippent. L’Office national de l’huile, structure publique aux moyens limités, se révèle incapable d’absorber les volumes. Les stocks s’accumulent. Les prix s’effondrent. La loi de l’offre et de la demande est neutralisée par décret et par la peur.

Des alertes ignorées, puis tournées en dérision

Dès le déclenchement des poursuites contre Makhloufi et Ben Romdhane, plusieurs médias, dont Business News, ont alerté sur le danger. Nous avons écrit noir sur blanc que la mise hors-circuit des grands exportateurs serait catastrophique pour la filière, que l’exportation ne s’improvise pas et que les agriculteurs seraient les premières victimes.

Ces alertes ont été moquées. On nous a expliqué qu’une filière ne repose pas sur un seul homme, que les agriculteurs trouveraient leur compte avec des prix bas, et qu’ils s’étaient longtemps enrichis sur le dos du consommateur. Un an plus tard, le verdict est sans appel. Les faits ont confirmé, point par point, ce qui avait été annoncé.

Une libération tardive, une filière déjà sinistrée

Après plus d’un an de détention, Abdelaziz Makhloufi est libéré contre une caution record de cinquante millions de dinars. Une première en Tunisie et cette somme a été vécue dans le secteur comme une sanction politique plus que comme une mesure judiciaire.

Entre-temps, la filière a été durablement fragilisée, la confiance détruite et des marchés internationaux perdus.

Aujourd’hui, face à l’ampleur du désastre, le parlement convoque en urgence le ministre de l’Agriculture pour s’expliquer sur l’effondrement des prix de l’huile d’olive. L’urgence est réelle. Mais elle arrive après deux années d’ingérence, de populisme économique et de décisions contraires aux règles les plus élémentaires du marché.

Le régime observe désormais les conséquences de sa propre politique. Après avoir piétiné la loi de l’offre et de la demande, détruit les circuits d’exportation et sacrifié les agriculteurs pour un gain politique marginal, il s’interroge sur l’effondrement du secteur. Après avoir allumé l’incendie, il regarde la fumée et s’interroge hypocritement sur son origine.

Maya Bouallégui

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5 commentaires

  1. Mohamed Mabrouk

    16 décembre 2025 | 8h52

    Bonjour
    La competence de ceux a qui dieu a donné le pouvoir de comprendre et prevoir le marché et d’entretenir des bonnes relations avec les acteurs mondiaux, est suspecte dans l’esprit des dirigeants actuels.
    Cet esprit qui se veut soialiste manque de discernement contrairement au socialisme chinois qu’il prend pourtant comme modèle.
    Alors il vaut mieux s’abstenir que de faire le malin sur le marché de l’huile d’olive.

  2. yassine kort

    16 décembre 2025 | 1h21

    Suite à l’article on peux conclure que la filière de l’huile d’olive en Tunisie repose sur 3 hommes. C’est exactement le seul problème de la filière aujourd’hui, seybenna el la3b taw nbi3ouhom l’4 baden ziit … A un moment je voulais exporter on m’as demander un investissement minimum de 750000 Dinars il ya de cela 10 ans, alors que je suis un petit agriculteur avec une petite production mais j’ai des clients prêt à payer le prix fort pour un produit de qualité !! Un grand nombdu lobbys de l’huile d’olive m’as proposé d’envoyer la marchandise pour moi a son nom moyennant une partie des bénéfices …..

  3. Hannibal

    15 décembre 2025 | 13h51

    C’est la conséquence d’un communisme bête et méchant doublé d’un populisme mesquin.
    De plus, l’État n’est jamais un bon commerçant. Ce n’est pas son rôle.
    Médiocrité quand tu nous tiens…

  4. Judili58

    15 décembre 2025 | 11h44

    Mme Bouallegui votre article est confus et incohérent ! Nous enregistrons une récolte abondante qui dépasse nos capacités de presse et de stockage. C’est ce qui explique la faiblesse de la demande d’olives et donc l’effondrement de son cours. Les presses n’achètent plus et les agriculteurs ne savent plus quoi faire avec les olives récoltés. Résultat ils bradent. C’est la loi du marché. La grande question pourquoi nous ne profitons pas de cette récolte exceptionnelle pour inonder le marché mondial a des prix compétitifs d’autant plus que l’Espagne et l’Italie connaissent une mauvaise récolte ce qui explique l’envolée des cours à l’international.

    • Mhammed Ben Hassine

      15 décembre 2025 | 16h32

      Le seule acteur qui dispose des fonds nécessaire et aublige d’en disposer est l’état
      Il Doit acheter cette huile aux prix raisonnable et doit l’exporter
      Ainsi les 3 intervenants seront gagnants producteurs consommateurs et l’état si non personne n’est capable d’absorber toute la quantité produite
      Un avis