À l’occasion de la Journée mondiale des migrants, célébrée le 18 décembre, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) a publié un communiqué alarmant dénonçant la poursuite et l’aggravation des violations des droits fondamentaux des migrants, dans un contexte marqué par un durcissement sans précédent des politiques migratoires et de contrôle des frontières.
Le Forum alerte sur la transformation des systèmes de gestion des migrations et des frontières en véritables « machines de punition collective », où la mort devient une alternative au droit et la violence se substitue à la protection. Selon l’organisation, les drames récurrents observés aux frontières terrestres et maritimes, ainsi que dans les centres de détention, sont la conséquence directe de politiques assumées, qualifiées de « politiques de mort », mises en œuvre par les gouvernements.
L’Union européenne pointée du doigt
Le FTDES met en cause la responsabilité de l’Union européenne et de ses États membres, accusés d’adopter des politiques fondées sur des violations systématiques des droits des personnes en mobilité dans l’espace méditerranéen et sur l’ensemble de leurs frontières. Ces politiques reposent notamment sur le refoulement par la force, l’absence d’assistance en mer, la détention et l’externalisation du contrôle des frontières vers des régimes autoritaires dans les pays voisins.
Dans ce cadre, la Tunisie est présentée comme un « modèle » de coopération en matière de gestion des frontières et de réadmission, que l’Union européenne chercherait à promouvoir. Le Forum affirme que ce modèle bénéficie d’un soutien financier, logistique et sécuritaire conséquent, exclusivement orienté vers des objectifs de contrôle et de dissuasion.
Selon le communiqué, les dirigeants européens ne cacheraient pas leur satisfaction quant aux pratiques des autorités tunisiennes, notamment les opérations de refoulement en mer, les expulsions vers les frontières terrestres et la coopération étroite facilitant le renvoi des ressortissants tunisiens depuis l’Europe. Ce soutien serait accompagné d’un appui politique, au nom du respect de la « souveraineté », permettant selon le FTDES de fermer les yeux sur les violations commises.
Zones hors droit et violences accrues en Tunisie
Le Forum affirme que, sous couvert de souveraineté nationale, les autorités tunisiennes mettent en œuvre des programmes européens ayant conduit à l’élargissement des zones de recherche et de sauvetage, à la mise en place de dispositifs techniques de surveillance et à la création de zones frontalières échappant à l’État de droit. Dans ces espaces, le refoulement, la mort et les violations des droits humains seraient devenus la norme.
Le communiqué alerte également sur la situation des migrants tunisiens en Europe, confrontés à des législations de plus en plus restrictives et à des politiques populistes et racistes qui instrumentalisent leur sort. Des notions telles que « déferlement migratoire », « menace démographique » ou « défense de l’identité » sont dénoncées comme des constructions idéologiques servant à justifier des atteintes aux droits fondamentaux.
Le FTDES souligne par ailleurs les conséquences des accords bilatéraux de réadmission, qui entraînent des expulsions accélérées et la dislocation de nombreuses familles. Il met aussi en garde contre les classifications européennes de la Tunisie comme « pays sûr » ou « pays tiers sûr », qui faciliteraient les procédures expéditives de renvoi, y compris de migrants non tunisiens ayant transité par le territoire tunisien.
Sur le plan national, l’organisation évoque une montée inquiétante des violences à l’encontre des migrants en Tunisie, marquée par des expulsions vers les frontières et le désert, la suspension de l’enregistrement des demandes d’asile, la criminalisation de la solidarité et les pressions croissantes exercées sur la société civile.
Appel à la libération des militants et rejet de la « normalisation de la mort »
En cette Journée mondiale des migrants, le FTDES rend hommage aux victimes des politiques migratoires inhumaines, aux disparus en mer et aux frontières, ainsi qu’à leurs familles. Il réaffirme son soutien aux acteurs de la solidarité et de l’action humanitaire en Tunisie, citant notamment Sherifa Riahi, Saadia Mosbah, Abdallah Saïd, Mohamed Jouou, Iyadh Bousselmi et Salwa Ghrissa, appelant à leur libération immédiate.
Le Forum réitère son rejet de la transformation de la Tunisie en plateforme avancée de contrôle des frontières européennes, ainsi que de toute tentative de réduire les droits et la dignité des migrants à une marchandise politique ou financière. Il dénonce la normalisation de la mort et des disparitions en mer, aux frontières et dans le désert, et réclame la vérité sur le sort des personnes disparues, ainsi que justice pour leurs familles.
Enfin, le FTDES réaffirme son attachement inconditionnel à la dignité de chaque migrant et migrante, sans distinction, et annonce la poursuite de son engagement en faveur du renforcement de la solidarité et de la coordination entre organisations, syndicats et mouvements sociaux, pour un espace africain et méditerranéen affranchi du colonialisme, du néocolonialisme et de toutes les formes de discrimination.
R.B.H










