En cette fin d’année, la question revient avec une insistance presque douloureuse : reste-t-il une raison d’espérer en 2026, dans un monde qui semble avoir perdu ses repères moraux et politiques ? Où que l’on regarde — en Palestine, en Ukraine, en Tunisie, dans le monde arabe, en Europe, aux États-Unis, en Afrique ou en Asie — le constat paraît implacable.
Partout, des conflits qui s’éternisent, des haines qui se normalisent, des sociétés qui se fragmentent. Partout aussi le même mépris persistant des Arabes, la même haine décomplexée des musulmans, devenue un argument électoral porteur.
Faut-il y voir l’effet d’un regard devenu trop pessimiste, ou reconnaître que la réalité elle-même se fissure sous nos yeux ? À cette période de l’année, on aime se répéter qu’une page se tourne, qu’un nouveau chapitre s’ouvre. Mais comment croire à la page blanche lorsque le livre brûle encore ?
Quand l’injustice devient la norme
En Tunisie, la dérive est tangible. Des citoyens respectables et respectés — Mourad, Ayachi, Ahmed, Nejib, Chaima, Saadia, Khayem, Abdelhamid, Sherifa, Lotfi, Ali, Ghazi, Borhene, Ridha, Mondher, et tant d’autres — se retrouvent derrière les barreaux pour un mot, une phrase, une opinion. L’arbitraire se pare des habits de la justice, la lettre à cachet refait surface. La pauvreté, telle une mauvaise vague, submerge des couches entières de la société, où l’injustice sociale frappe de plein fouet ceux qui peinent désormais à assurer le minimum vital. Une jeunesse entière, diplômée ou non, ne voit plus d’avenir que dans le départ. Peu à peu, le sentiment d’être né au mauvais endroit au mauvais moment s’impose, et nous réalisons la cruelle vérité : nous sommes traités comme des sujets et non des citoyens, à bord d’un bateau ivre où l’irrationnel est devenu la norme.
Mais la détresse n’est pas seulement tunisienne. En France, un trentenaire sans expérience politique réelle, porté par un discours d’extrême droite ciblant les Maghrébins, domine les intentions de vote. Aux États-Unis, la glorification de la force et de la domination militaire banalise la violence. En Europe, l’extrême droite progresse sur des thématiques xénophobes et de rejet des immigrés. En Afrique, les coups d’État se succèdent, menés par des fantoches qui n’ont qu’un seul argument : celui des armes. Dans une grande partie du monde arabe, la répression, la soumission, la trahison de la cause palestinienne et la corruption sont installées comme des normes.
Et puis il y a Gaza. Toujours Gaza. Une plaie qui saigne. Des milliers d’enfants et de femmes errent dans le froid, la boue et la faim. Des familles entières ont été décimées, quand elles n’ont pas été purement et simplement effacées. Et ces accords de « paix » signés n’apporteront qu’une injustice supplémentaire, une souffrance différée, une violence recyclée sous des formules diplomatiques. Une paix sans justice n’est jamais une paix pour les victimes.
Face à ce tableau, l’espoir ne peut plus être un slogan. Il ne peut plus être une promesse abstraite de lendemains meilleurs.
Quand tous les horizons semblent bouchés, vient alors à l’esprit cette phrase de Paul Valéry : « Rien ne vaut rien ; il ne se passe jamais rien ; et cependant tout arrive ».
Espérer en 2026 ne consistera pas à croire naïvement que tout ira mieux. Ce sera refuser de devenir indifférent. Refuser de normaliser l’injustice. Refuser de laisser le cynisme s’installer comme horizon indépassable.
L’espoir se réduit à peu de chose — et c’est peut-être là sa force.
Une parole juste quand tout pousse au silence. Un geste de solidarité de chacun quand l’indifférence gagne. Une résistance discrète mais obstinée, une marche silencieuse, une parole, un mot. Nul besoin d’être un héros pour changer la triste réalité : soyons simplement des consciences éveillées, ayons une exigence non négociable, la LIBERTÉ. Ce n’est ni un cadeau ni un luxe : c’est un droit humain sacré. Un jour de prison, injustement imposé, vaut l’éternité. Exigeons la libération immédiate de Mourad, Ayachi, Ahmed, Nejib, Chaima, Saadia, Khayem, Abdelhamid, Sherifa, Lotfi, Ali, Ghazi, Borhene, Ridha, Mondher, et de tous les prisonniers politiques.
S’il reste un espoir, il ne se mesurera ni en victoires éclatantes ni en discours triomphants. Il se loge dans ces gestes minuscules qui traversent les siècles : dire non quand tout invite à se taire, nommer la violence quand on exige le silence, préserver l’humain quand tout concourt à l’écraser. Tant qu’il restera quelqu’un pour dire non, l’histoire, elle, ne sera jamais complètement écrite.
Bonne année 2026











7 commentaires
Gg
Monsieur MSBA,
Je voudrais vous donner un exemple de ce qui crée le rejet des « Arabes et des musulmans ».
Il y a quelques jours, à Sydney, des malades d’Allah ont tué 12 personnes et en ont blessé plus de 50.
En Australie! Ils sont allés de l’autre côté de la planète commettre leurs crimes!
Mais enfin, qu’est ce que les Australiens leur ont fait???
Une chose est sûre en tous cas: beaucoup d’Australiens ont maintenant la haine de ces gens.
Vraiment, je suis certain que vous avez le recul et l’intelligence d’écrire pour expliquer, apaiser, au lieu d’emprunter les raccourcis exécrables que nous subissons tous…
Allez, je vous souhaite une bonne nouvelle année, puisqu’aujourd’hui la Terre a passé le solstice d’hiver. C’est le vrai nouvel an cosmique!
HatemC
Mr MSBA
Toujours cette victimisation persistante même chez les dits intellos ….
Vous écrivez …
» ….Partout aussi le même mépris persistant des Arabes, la même haine décomplexée des musulmans, devenue un argument électoral porteur… »
Je vous répond …
Le musulman est responsable de l’image qu’il renvoi de lui Mr le savez vous au moins ?
Un constat qui mélange plusieurs niveaux : religieux, historique, sociopolitique et identitaire
Le Coran et la tradition musulmane contiennent à la fois des dimensions ascétiques (maîtrise de soi, discipline) et des dimensions hédonistes (plaisirs permis : nourriture, amour, beauté de la création).
Historiquement, l’islam n’a pas toujours été vécu comme une négation du plaisir.
La civilisation andalouse, abbasside a produit poésie, musique, arts, gastronomie et sciences.
Le problème est moins dans le texte religieux lui-même que dans l’interprétation contemporaine et l’usage politique ou idéologique qui en est fait.
Une histoire d’échecs et de traumatismes, colonisation, échec des indépendances ( la Tunisie a échoué, n’a pas su quoi en faire de son indépendance ), autoritarisme et corruption ont effectivement freiné l’évolution du monde arabo-musulman.
Le vrai drame, c’est que beaucoup de sociétés musulmanes n’ont pas encore trouvé une voie moderne autonome, ni complètement sécularisée ni totalement théocratique, le cul entre 2 chaises ….
Toutefois on ne né pas islamophobe on le devient et cela faut reconnaitre que l’islam sert de repoussoir dans le monde occidental et même chez les musulmans pour 2 raisons
D’une part, parce que certains musulmans, les plus virulent ( islamistes, salafistes, …) offrent une image désastreuse de cette religion …
et d’autre part parce que les musulmans ordinaires ne font rien pour la corriger …
L’islam n’est pas intrinsèquement un repoussoir, mais il le devient quand ses fidèles — ou une partie d’entre eux — projettent une image fermée, agressive ou rétrograde.
Tant que les sociétés musulmanes ne feront pas leur propre aggiornamento (réforme intellectuelle et spirituelle adaptée au monde moderne), l’islamophobie trouvera toujours du carburant.
L »arabo musulman reste responsable aussi de l’image que lui renvoie l’occident … Image d’un monde arriéré, d’états dictatoriaux, sans libertés de pensées ou d’expression … Bonne Année 2026
Fares
L’année 2025 était effectivement et principalement déprimante pour ceux qui suivent l’actualité en Tunisie, en Palestine et aux États-Unis. Aux États-Unis, l’élite des tech boys contrôle l’avenir de l’humanité à coup d » une A de plus en plus envahissante. Chez nous, nous vivons la diapositive. Ce sont les minables qui mènent la danse pendant que les intellectuels et les progressistes croupissent derrière les barreaux.
Cependant, on dirait que la peur a changé de côté aussi bien en Tunisie qu’aux États-Unis depuis quelques mois. Espérons que l’ année 2026 sera porteuse de changement (dans la bonne direction).
Bonne année 2026.
Gg
J’ajoute que comme la grande majorité des français, je suis ravi de voir que les drapeaux français ont remplacé les drapeaux palestiens dans nos rues, que les crêches de Noël retrouvent leurs places, que les juifs se livrent à leurs fêtes comme on le doit envers des gens qui ne commettent ni viols ni braquages ni attentats ni deal ni rien de répréhensible.
Gg
Vous dites « En Europe, l’extrême droite progresse sur des thématiques xénophobes et de rejet des immigrés. »
Non, la droite en question n’est pas plus extrême que la gauche antisémite et islamisante ne l’est.
Ce que vous appelez xénophobie n’est que patriotisme et volonté de maîtriser l’immigration. Pas de clandestins, on veut savoir qui entre et de quoi il, elle, va vivre.
Rejet des musulmans? Uniquement ceux qui voudraient islamiser nos sociétés, imposer leur charia et leur mode de vie résolument antinomique du nôtre.
Les autres vivent toujours bien dans nos pays!
En résumé, soyez un tout petit peu objectif et lucide. Est ce trop vous demander que ne pas céder au populisme local?
HatemC
@ Gg, bonsoir
Dire « l’extrême droite progresse en Europe sur des thématiques xénophobes » relève souvent d’un raccourci idéologique paresseux.
L’article de MSBA abuse de raccourcis … ça plait en Tunisie, la Tunisie populiste ….
Non, la droite dite “dure” n’est pas, par nature, plus extrême que la gauche antisémite, communautariste et islamisante qui prospère depuis des années sous couvert d’antiracisme.
Ce que certains qualifient de xénophobie est bien souvent du patriotisme élémentaire et une exigence légitime :
– maîtriser l’immigration,
– refuser l’illégalité,
– savoir qui entre sur le territoire,
– et s’assurer que chacun respecte les lois et les valeurs du pays d’accueil.
Exiger l’État de droit n’est pas de la HAINE.
Refuser les clandestins n’est pas du RACISME.
Demander l’intégration n’est pas de l’EXTREMISME.
Quant au prétendu « rejet des musulmans », il est largement fantasmé.
Ce qui est rejeté — et à juste titre — ce n’est pas une religion vécue dans la sphère privée, mais l’islam politique, (notre auteur ne fait pas la différence) …. celui qui cherche à islamiser les sociétés, à imposer la charia, à contester l’égalité hommes-femmes, la liberté d’expression et la laïcité.
Les musulmans qui respectent les lois, vivent paisiblement et adhèrent au cadre républicain n’ont jamais été menacés dans les démocraties européennes. Ils y vivent, y travaillent et y réussissent — faits têtus que les discours alarmistes oublient soigneusement ….
L’un des drames majeurs des sociétés musulmanes contemporaines est paradoxalement intellectuel.
Même parmi les penseurs, universitaires et élites cultivées, beaucoup refusent — ou sont incapables — de faire une distinction pourtant essentielle : celle entre l’islam comme foi et l’islam politique comme idéologie de pouvoir.
L’islam, en tant que religion, relève de la spiritualité, de la conscience individuelle, du rapport intime au divin.
L’islam politique, lui, est un projet terrestre, stratégique et autoritaire, qui instrumentalise le religieux pour conquérir le pouvoir, contrôler les sociétés et neutraliser toute critique en la qualifiant de blasphème ou d’islamophobie….
Cher ami … malheureusement, notre auteur est lui aussi empêtré dans cet amalgame, comme une grande partie des Tunisiens :
l’incapacité — ou le refus — de distinguer l’islam comme foi de l’islam politique comme projet idéologique…. HC
Gg
Bonsoir Hatem,
Merci pour ton intervention, encore une fois nous sommes 100% d’accord!
Et il se trouve que tu es un exemple vivant de ce que les raccourcis de l’auteur sont à tout le moins excessifs, faux.
Combien d’immigrés provoquent le rejet dont il parle?
Je dirais 10%.
Bonne nuit, mon ami!