Le président du Syndicat des oléiculteurs de Sahline, Abdallah Sahraoui, est longuement revenu, lundi 22 décembre 2025, sur l’état de la saison oléicole en Tunisie, lors de son intervention au micro de Hatem Ben Amara, dans l’émission Sbeh El Ward diffusée sur Jawhara FM. Il a dressé un diagnostic précis du secteur, évoquant à la fois les perspectives de production, les difficultés structurelles de financement, la question de la qualité de l’huile d’olive tunisienne et les déséquilibres persistants sur le marché de l’exportation.
Une récolte encore incomplète et freinée par les prix
Selon Abdallah Sahraoui, la campagne de récolte avance à un rythme inégal. À la date du lundi 22 décembre 2025, le taux de cueillette se situe entre 30% et 35% à l’échelle nationale. Cette lenteur ne s’explique pas uniquement par des facteurs climatiques, mais surtout par la faiblesse des prix à la production, qui dissuade une partie des agriculteurs de poursuivre la récolte.
Le président du syndicat souligne que le coût de production dépasse souvent les prix pratiqués, notamment lorsque le litre d’huile en vrac est payé entre huit et 8,5 dinars, alors que le prix de vente au consommateur oscille autour de onze à treize dinars. Dans ces conditions, de nombreux petits producteurs peinent à couvrir leurs charges, en particulier ceux qui dépendent entièrement de la saison oléicole pour leurs revenus.
Une filière marquée par de fortes disparités
Abdallah Sahraoui distingue trois profils de producteurs présents aujourd’hui dans le paysage agricole tunisien.
Le premier regroupe les agriculteurs professionnels, engagés dans une agriculture durable, structurée et ancrée dans leurs territoires.
Le deuxième correspond à des exploitants occasionnels, souvent salariés ou fonctionnaires, possédant des parcelles d’oliviers, souvent héritées, qu’ils exploitent de manière intermittente, essentiellement pour faire face à des dépenses familiales ponctuelles.
Le troisième inclut des investisseurs non agricoles citant en particuliers les contrebandiers et médecins, attirés par l’olivier comme placement, sans réelle stratégie productive ni connaissance approfondie de la filière.
Cette hétérogénéité, selon lui, complique la mise en place d’une politique cohérente et nuit à la stabilité du secteur.
Qualité : une avance tunisienne sous-exploitée
Sur le plan qualitatif, Abdallah Sahraoui se montre particulièrement affirmatif. Il rappelle que la Tunisie est passée, en quelques décennies, d’une production majoritairement classée “lampante” à près de 87% d’huile d’olive vierge extra, un niveau qu’il estime supérieur à celui de plusieurs grands pays producteurs.
Il explique que la qualité dépend de critères précis : récolte précoce, trituration dans les quarante-huit heures, température contrôlée inférieure à 27 degrés et faible taux d’acidité. L’huile vierge extra se distingue également par une grande diversité aromatique, liée au terroir, au climat et aux variétés cultivées.
Il a également mis en garde contre les récoltes tardives, susceptibles d’altérer la qualité et de faire basculer l’huile hors de la catégorie vierge extra.
La Tunisie dispose, selon lui, de laboratoires d’analyse et de dégustation reconnus, fréquentés même par des professionnels étrangers, ce qui constitue un atout stratégique encore insuffisamment valorisé à l’international.
Des prix à l’export anormalement bas
Abdallah Sahraoui a illustré la faiblesse des prix de l’huile d’olive tunisienne par une comparaison directe avec plusieurs pays producteurs. Il a indiqué que le prix de l’huile d’olive tunisienne évoluait autour de 3,78 euros le kilogramme, contre environ 7,33 euros pour l’huile italienne, 5,40 euros pour l’huile espagnole, 6,70 euros pour l’huile turque et 6,27 euros pour l’huile libanaise.
Pour le président du Syndicat des oléiculteurs de Sahline, ces écarts ne s’expliquent ni par la qualité du produit tunisien, qu’il estime élevée, ni par les volumes exportés, mais essentiellement par le manque de financement, l’insuffisance des capacités de stockage et la vente précipitée de l’huile tunisienne sur les marchés internationaux.
Financement et stockage : le maillon faible
M. Sahraoui pointe une crise aiguë du financement agricole. Les banques, selon lui, n’accordent plus les lignes de crédit nécessaires, tandis que les huileries et les exportateurs se retrouvent dans l’incapacité de stocker et de négocier dans de meilleures conditions.
Il estime que l’Office national de l’huile, malgré son expérience historique, ne joue plus pleinement son rôle de régulateur. Sa capacité actuelle de stockage, limitée à environ 90.000 tonnes, reste largement insuffisante pour peser sur le marché et soutenir les prix au profit des agriculteurs.
Exportations dominées par le vrac
Sur la saison 2024-2025, la Tunisie a exporté environ 268.000 tonnes d’huile d’olive, dont une large majorité sous forme de vrac. L’Union européenne en a absorbé près de 60,8%, avec l’Italie, l’Espagne et les États-Unis comme principaux marchés.
En revanche, les exportations d’huile conditionnée restent marginales, représentant moins de 5% des volumes, alors qu’elles génèrent une valeur ajoutée nettement supérieure. Abdallah Sahraoui estime que le maintien de ce modèle pénalise durablement l’image et les revenus du secteur.
Une opportunité stratégique à ne pas manquer
Face aux prévisions de baisse de production dans plusieurs pays concurrents lors des prochaines campagnes, le responsable syndical considère que la Tunisie se trouve à un moment charnière. Il appelle à une mobilisation collective des pouvoirs publics, des exportateurs et des producteurs afin de renforcer le stockage, améliorer l’accès au financement et développer l’exportation de l’huile conditionnée sous marque tunisienne.
Selon lui, il s’agit d’une opportunité comparable à celle qu’ont su saisir certains pays méditerranéens par le passé, et qui pourrait permettre à la Tunisie de consolider durablement sa place parmi les principaux acteurs mondiaux de l’huile d’olive.
I.N.













Commentaire
Gg
Et voilà.
Il est urgent de sortir de prison les dirigeants du secteur qui réussissaient, et de leur donner la liberté… de travailler !