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Inaptocratie, totalitarisme, bêtise et mauvaise foi

 

S’il faut qualifier le système de gouvernement actuel en Tunisie, c’est bel et bien l’inaptocratie. Qu’est-ce que l’inaptocratie ? D’après sa remarquable définition, donnée par le journaliste, écrivain et philosophe français Jean d’Ormesson (1925-2017), c’est un système dont les gens les moins capables de gouverner sont élus par les gens les moins capables de gagner leur vie, tandis que les gens qui sont les plus productifs se voient voler leurs richesses pour entretenir des gens qui sont incapables de faire quoi que ce soit. 

Jean d’O a dit ça en 2013, quand la France était gouvernée par la gauche, ce que l’on vit en Tunisie, sous l’ère de Kaïs Saïed est pire puisqu’on est en train d’ajouter de la bêtise à l’inaptocratie.

Dernière en date, celle du gouvernement qui s’est extasié devant les caméras de l’attribution d’une récompense internationale qui n’existe pas.

Depuis son arrivée, en octobre 2021, le gouvernement court derrière un crédit de 1,9 milliard de dollars pour boucler son budget 2022. Plus d’un an et demi plus tard, il n’a toujours pas réussi à l’obtenir. Il n’a rien fait, en parallèle, pour réduire son train de dépenses.

 

Concrètement, plutôt que d’endetter davantage le pays (et nos générations futures), le gouvernement aurait pu alléger l’énorme poids de son administration et ce en limogeant les milliers de fonctionnaires recrutés, sans concours, depuis la révolution.

Il aurait pu privatiser les entreprises publiques que l’État ne devrait pas compter dans ses actifs.

Il aurait pu réduire la compensation de plusieurs produits dont bénéficient, indument, les catégories aisées.

Rien qu’avec ces trois rubriques, le gouvernement aurait pu équilibrer son budget.

Et pourtant, il ne le fait pas. Pourquoi ? Parce que ces décisions ne sont pas populaires et que ce gouvernement, inapte à gouverner, a besoin de populisme pour survivre.

Il préfère se remplir les caisses en spoliant les riches plutôt que de créer lui-même de la richesse.

Il préfère endetter les générations futures plutôt que d’appauvrir la génération actuelle qui ne travaille pas assez ou, plutôt, qui vit au-dessus de ses moyens.

 

À la bêtise et l’inaptocratie, s’ajoute la mauvaise foi de ce pouvoir. La meilleure illustration de cette mauvaise foi est ce double langage. D’un côté, on a un Kaïs Saïed qui refuse d’aller au FMI, de l’autre son gouvernement négocie encore ce crédit à Washington. D’un côté, on a un Kaïs Saïed qui refuse les diktats de l’étranger, de l’autre son gouvernement parle d’un plan de réformes similaire aux soi-disant diktats. D’un côté, on parle de démocratie, de l’indépendance de la justice et du respect des libertés, de l’autre on pratique le totalitarisme à outrance, on s’immisce dans les affaires judiciaires en cours et on poursuit les politiques et les journalistes pour leurs idées.

Le système de gouvernance pratiqué par le régime de Kaïs Saïed correspond parfaitement au totalitarisme expliqué par George Orwell, dès 1939 et bien avant son grand ouvrage « 1984 », quand il a dit que « 2+2=5 ». « « S\’il dit que deux et deux font cinq, eh bien, deux et deux font cinq. Cette perspective m\’effraie bien plus que les bombes », a dit Orwell.

 

On en est là, aujourd’hui, avec Kaïs Saïed. Le président de la République prononce des inepties et il est applaudi. Il accuse ses adversaires politiques de complot contre l’État et de fomenter une guerre civile et il est adulé. Il propose comme solution économique des pistes éprouvées depuis l’ère soviétique et il est suivi. Le peuple a rejeté son parlement en s’abstenant massivement d’aller à ses élections (88%) et à son référendum pour la constitution (70%) et il parle encore de démocratie et du respect strict de la volonté du peuple.   

Inaptocratie, totalitarisme, bêtise et mauvaise foi sont les caractéristiques de ce régime qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en multipliant les mensonges. Des mensonges crus par une bonne partie du peuple qui refuse de voir la vérité en face.

Quand on cherche à lutter contre le mensonge et la propagande d’État, on se trouve confrontés à la Loi de Brandolini qui dit : « La quantité d\’énergie nécessaire pour réfuter des sottises est supérieure d\’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». En termes plus clairs, « quand vous avez un temps égal pour quelqu’un qui a dit quelque chose d’inexact et quelqu’un qui essaie d’expliquer pourquoi c’est inexact, la personne qui essaie d’expliquer pourquoi c’est inexact perd toujours. En général, il faut dix secondes pour dire une bêtise et plusieurs heures pour expliquer pourquoi c’est une bêtise ».

 

Doit-on, pour autant, baisser les bras et accepter le diktat du régime ? Accepter qu’un dirigeant politique aille en prison pour l’ensemble de son œuvre et non pour un fait déterminé et clairement établi ? Accepter que des militants aillent en prison pour complot contre l’État, alors qu’ils n’ont fait que se réunir pour voir comment s’opposer au régime ? Accepter que des journalistes risquent dix ans de prison pour avoir révélé leurs vérités à des ministres incompétents ? Accepter les contrevérités éhontées du président de la République ? Que ce président dise une chose et que son gouvernement fasse le contraire ?

Entre la vérité et le mensonge, la raison et la bêtise, la justice et l’injustice, nous avons fait notre choix. Peut-être que ce choix est différent de ce qu’aime entendre le « peuple », mais c’est notre choix et il est irrévocable. Ni les invectives présidentielles, encore moins celles de ce « peuple » ne nous dévieront de ce choix. On sait, par expérience et par lecture de l’Histoire, qu’il n’y a aucun pouvoir éternel et que le « peuple » a toujours été fidèle de l’adage « le roi est mort, vive le roi ». Le « grand peuple » tunisien, en particulier, n’a cessé de faire preuve de caméléonisme ces douze dernières années.

 

 

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