Le journaliste et directeur de Mosaïque FM, Noureddine Boutar est détenu depuis le 13 février. Il fait partie de la liste des accusés dans l’affaire de complot contre la sûreté de l’État. Le journaliste a été interrogé, selon ses avocats, au sujet de la ligne éditoriale de la radio. Il est, également, cité dans une affaire d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent.
Le comité de soutien à Noureddine Boutar a tenu, le 2 mai 2023, une conférence de presse afin de présenter les derniers développements liés à l’affaire. S’exprimant à cette occasion, le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), Mahdi Jlassi a assuré que le dossier de l’affaire était complètement vide et ne comportait pas de preuve. Il a considéré que les poursuites envers Noureddine Boutar visaient la radio Mosaïque Fm et sa ligne éditoriale. Il a souligné l’absence de preuves justifiant l’ouverture d’une enquête. Il a indiqué que Noureddine Boutar était accusé de blanchiment d’argent en raison de faits remontant à 2003.
« Il n’y a toujours pas de raison derrière les poursuites visant Boutar. On a procédé à une fouille et à un audit, mais on n’a rien trouvé. La solution était, pour eux, le ciblage de la ligne éditoriale. Je tiens à être claire à ce sujet. La question de la ligne éditoriale n’est pas un prétexte ou une supposition. Le dossier de l’affaire parle clairement de la ligne éditoriale de la radio et de son exploitation. On a posé des questions claires au sujet de la ligne éditoriale. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un procès d’opinion et de l’orientation indépendante du pouvoir de la radio Mosaïque Fm », a-t-il ajouté.
Mahdi Jlassi a considéré que le procès de Noureddine Boutar ne devait pas être étudié de façon isolée et indépendamment de la situation politique de la Tunisie. Il a indiqué que des dizaines de personnes étaient poursuivies en raison de leurs avis, de leurs articles ou de leurs déclarations. Il est revenu sur les enquêtes visant Mohamed Boughalleb et Monia Arfaoui initiées par le ministre des Affaires religieuses Brahim Chaibi. Mohamed Boughalleb avait révélé que Brahim Chaibi avait troqué la voiture de fonction mise à sa disposition pour une BWM modèle X6 qui théoriquement était confisquée par la douane et devait être conservée dans un entrepôt. La justice tunisienne a donné raison au récit de Mohamed Boughalleb. Néanmoins, ce dernier a été poursuivi en vertu du décret n°54 suite à une plainte déposée par le ministre.
« Aujourd’hui, il y a des avocats, des activistes et des leaders politiques poursuivis pour leur opinion… Ils sont poursuivis suite à des instructions émanant directement du pouvoir exécutif et de la ministre de la Justice… Nous sommes à un jour de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Parallèlement, la Tunisie fait face à une vague sans précédent de procès d’opinions et d’idées… Il s’agit du résultat d’instructions claires du pouvoir politique, sous l’encadrement direct du président de la République et d’une exécution de la part des institutions sécuritaires et judiciaires. Celles-ci ont montré qu’elles fonctionnaient sous instructions du pouvoir en place… La tyrannie ne fait pas exception. Celui qui se croit, aujourd’hui en sécurité, sera, dans le futur, l’une des premières victimes… La force d’un secteur réside en sa solidarité… Nous devons être prêts à défendre l’un de nos collègues… Le pouvoir prend ce genre d’éléments en considération… Nous avons le droit de nous exprimer au sein de notre pays sans faire face à des procès, être suivis par les institutions de l’État et faire l’objet de censure et de pressions », a-t-il ajouté.
S’exprimant par la suite, l’avocat et membre du comité de défense de Noureddine Boutar, Ayoub Ghedamsi a rappelé que l’enquête visant son client avait été initiée sur la base d’une déclaration de la part d’un informateur. Ce dernier a indiqué que les transactions financières de Mosaïque Fm ont considérablement baissé. Ceci aurait été exploité par Noureddine Boutar afin de porter atteint au pouvoir en place. Ceci a été affirmé sans preuves. L’avocat a expliqué qu’il n’y a pas eu de documents relatifs aux transactions financières de la radio. Ayoub Ghedamsi a assimilé le ministère public à la colonisation française. Il a expliqué qu’on avait attribué un certain nombre d’accusations de façon à s’assurer de l’inculpation de la personne concernée.
« Nous vivons après 2014-2015. Nous avons, donc, une loi de lutte contre le blanchiment d’argent applicable aux faits survenus après 2014. Néanmoins, le recours du ministère public à la loi de 2003 signifie que les débuts de Mosaïque FM avec son directeur général… En tant que comité de défense, nous leur avons affirmé que nous étions prêts à enquêter sur n’importe quelle période… La société de comptabilité a été auditionnée… En 79 jours d’emprisonnement, aucune preuve n’a été trouvée… Ceci démontre un abus d’usage de la capacité d’emprisonner et de privation de liberté dans un dossier vide… Nous avons déposé une demande de libération, une semaine après l’arrestation de Noureddine Boutar. Elle a été refusée… On ne nous a pas expliqué les raisons de ce refus… La chambre d’accusation a adopté la même position : le refus de la demande de libération… Nous avons réagi positivement à cette décision… Nous avons attendu l’évolution de l’enquête. Nous nous sommes retrouvés face à l’inconnu. Nous n’avons aucune idée au sujet des mesures qui seront prises par la justice », a-t-il déclaré.
Ayoub Ghedamsi a indiqué que la totalité des institutions financières se trouvant en Tunisie ont été contactées par la justice. Les correspondances entre celles-ci dément l’existence de transactions douteuses concernant Noureddine Boutar. L’avocat a indiqué que la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf) était la seule à ne pas avoir encore réagi. Il a rappelé que celle-ci avait présenté un rapport préliminaire affirmant l’absence de transactions douteuses concernant Noureddine Boutar, son épouse et Mosaïque Fm. Il a critiqué l’absence de réponse de la part de la Ctaf alors que celle-ci avait au début affirmé l’absence de transactions douteuses. L’avocat a souligné l’importance de la présomption d’innocence. Il a rappelé que l’arrestation d’un individu doit être décidée en raison de preuves de sa culpabilité. Il a assuré qu’il n’y avait pas d’ambiguïté ou de flou au niveau du patrimoine de Noureddine Boutar ou de Mosaïque Fm.
« Rien n’a changé au niveau de Mosaïque Fm… La ligne éditoriale n’a pas changé… On maintient la même approche critique, la même analyse, les mêmes invités… La seule chose qui a changé est le sentiment d’injustice… Il évolue et s’amplifie… Les institutions judiciaires qui, théoriquement, doivent défendre les droits et les libertés, sont, aujourd’hui, compromises et suivent un ministère public adoptant la politique des colons… On a enfreint la loi sans rien trouver… Plusieurs fausses discussions ont circulé sur les réseaux sociaux… Nous avons déposé une plainte auprès du ministère public à ce sujet… Nous avons estimé qu’il s’agissait d’une atteinte aux intérêts de notre client et de la justice… Des documents falsifiés ont circulé et le ministère public n’a pas bougé… Ce genre de comportement est illégal… Essayer d’induire le juge d’instruction en erreur est puni par la loi… Nous avons déposé plainte auprès du tribunal de première instance de Tunis… Après avoir enfoui le dossier, il a été attribué à un autre tribunal, celui de la Manouba afin d’auditionner le plaignant : Noureddine Boutar… Il se trouve en prison. Il n’a pas connaissance de ce qui circule sur Facebook… Ceci nous montre qu’il y a une justice à deux vitesses en Tunisie », a-t-il dit.
Ayoub Ghedamsi a expliqué que l’affaire visant son client a été traitée rapidement. Il a qualifié la chose de justice injuste ayant recours à des perquisitions illégales et à une privation insensée de la liberté. D’un autre côté, il existe une justice ayant pour rôle d’enfouir les dossiers. Il a rappelé qu’une autre demande de libération a été déposée auprès du juge d’instruction. Ce dernier est tenu d’y répondre, selon les délais fixés par la loi, aujourd’hui 2 mai 2023. L’avocat a indiqué que le comité de défense est certain du refus de cette demande. Il demandera, donc, la même chose à la chambre d’accusation. Celle-ci n’a pas de raisons de refuser la libération de Noureddine Boutar. Il a assuré que son client était innocent et que tous les éléments de l’enquête reflétaient cela.
Le secrétaire général de la Fédération nationale de l’Information relevant de l’UGTT, Mohamed Saidi a exprimé son soutien et celui de la centrale syndicale à Noureddine Boutar. Il a souligné les atteintes répétitives à la liberté d’expression. Ceci concerne des journalistes et des syndicalistes. Il s’agit, selon lui, d’une politique entamée par le pouvoir exécutif et le président de la République, Kaïs Saïed afin de faire taire toute voix s’opposant à la situation actuelle. Il a appelé à s’unir afin de s’opposer à la dictature et à l’autocratie. Mohamed Saidi a estimé que le pouvoir en place continuera à procéder à des arrestations afin de faire diversion à la dégradation de la situation économique du pays. Il a qualifié Noureddine Boutar d’otage dans le cadre d’une politique d’oppression.
Le président de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ), Taieb Zahar, a estimé que l’arrestation de Noureddine Boutar était une atteinte aux médias et à la liberté de presse. Il a appelé à la libération immédiate de ce dernier. M. Zahar a insisté sur l’innocence de ce dernier. Il a mis l’accent sur le danger auquel les médias font face. Il a exprimé sa solidarité avec les employés de Mosaïque Fm et les membres de la famille de Noureddine Boutar.
Le journaliste Zied El Hani a considéré que l’arrestation de Noureddine Boutar ciblait Mosaïque Fm et la liberté de la presse. Il est revenu sur le rapport policier ayant conduit à l’arrestation de Noureddine Boutar. Il a indiqué que le document en question comportait des suppositions d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent. Il a indiqué que le même rapport supposait que Noureddine Boutar exploitait la radio Mosaïque Fm afin de porter atteinte au président de la République, Kaïs Saïed. Il a indiqué que M. Boutar a fait l’objet d’une deuxième audition quatre jours après son arrestation.
« On lui a demandé s’il s’était rendu en France. Il a démenti la chose… Quelques jours après, on l’interroge au sujet d’un voyage en France durant la période septembre-octobre 2022 et d’une rencontre avec la veuve de l’ancien président et son frère Belhassen Trabelsi. Il aurait rencontré par la même occasion Nabil Karoui et son frère… Noureddine a indiqué que son épouse lui avait offert des vacances de dix jours vers les USA… Il y a eu une escale à Amsterdam (Pays-Bas) en raison de l’absence d’un vol direct… Il a expliqué ne pas avoir quitté l’aéroport… Par la suite, sur le vol du retour, il y a eu une escale de cinq heures à l’aéroport Charles De Gaulle. Il n’a pas quitté l’aéroport », a-t-il poursuivi.
Le représentant du bureau de Tunis de Reporters Sans Frontières, Samir Bouaziz, a, lui aussi, pointé du doigt l’absence de raison justifiant l’arrestation de Noureddine Boutar. Il a évoqué de nombreux vices de procédure. Il a indiqué que son organisation évoquera cette affaire auprès des institutions internationales afin de garantir un procès équitable et la libération de Noureddine Boutar.
S’exprimant au nom de l’Organisation Mondiale de la Lutte Contre la Troture, Oussema Bouajila a insisté sur l’importance de la liberté des médias et de la presse. Il a assuré qu’il n’y avait pas de possibilité de renoncer à cet acquis. Il a estimé que l’arrestation de Noureddine Boutar avait pour but d’intimider et de faire taire.
Wahida Boutar, épouse du journaliste et directeur général de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, a appelé le président de la République à étudier le dossier de l’enquête. Il a assuré que ce dernier avait été induit en erreur. Elle l’a appelé à ouvrir une enquête à ce sujet. Elle a indiqué qu’elle était fière de son époux.
Plusieurs professeurs universitaires ont, également, exprimé leur soutien à Noureddine Boutar. Nous pouvons citer Wahid Ferchichi, Youssef Sedik et Sadok Hammami. Ils ont appelé à s’unir pour défendre la liberté des médias. Ils ont appelé à ne pas accepter l’injustice.
Sofiene Ghoubantini










