La propagande a ses limites, et elle n’est même pas reconnue par ceux à qui elle rend service. C’est ce qu’on peut dire de l’agence de presse nationale Tunis Afrique Presse (TAP), qui a diffusé le 8 octobre courant une dépêche affirmant que la dette extérieure 2025 de la Tunisie avait été entièrement remboursée trois mois avant l’échéance.
« La Tunisie a accompli une performance remarquable en remboursant 125 % de ses échéances de dette extérieure prévues pour l’année 2025, et ce, dès la fin du mois de septembre. Le montant total réglé dépasse largement les prévisions de la loi de finances, qui tablaient sur un remboursement de 8,469 milliards de dinars », précisait la TAP, relayée par plusieurs médias de propagande et autres, moins regardants sur leur crédibilité.
Le démenti de la ministre
Mercredi 29 octobre 2025, le président de la commission des finances à l’Assemblée des représentants du peuple, Abdeljalil Heni, a indiqué sur Express FM que la ministre des Finances, Mechket Slama Khaldi, auditionnée la veille par sa commission, avait démenti les informations circulant sur un taux de remboursement de 125 %.
La ministre a précisé que le taux réel de remboursement s’élevait à environ 80 %. Une partie de la dette, intérieure et extérieure, reste encore en cours de règlement durant les trois derniers mois de l’année.
La propagande de la très officielle TAP se trouve ainsi démentie par la très officielle ministre. De quoi s’interroger sur la communication gouvernementale, sa cohérence et la légèreté avec laquelle certains médias traitent des sujets aussi sensibles.
Les experts rappellent la réalité
L’histoire des « 125 % » avait d’ailleurs suscité, dès sa diffusion, le scepticisme de plusieurs experts encore lucides — et courageux — pour dire les choses comme elles sont.
« La Tunisie a bien remboursé 125 % de ses échéances de dette extérieure… mais c’était en 2006-2007 », tranche ainsi l’économiste Sadok Rouai dans les colonnes de Business News.
« Il est économiquement absurde de parler d’un remboursement de 125 % de la dette », a martelé le professeur universitaire en sciences économiques, Ridha Chkoundali.
Même son de cloche pour l’économiste Aram Belhadj, qui a nuancé l’optimisme affiché autour de la dette tunisienne.
Une conclusion qui s’impose d’elle-même
Entre les chiffres fantaisistes et les communiqués contradictoires, un constat s’impose : la communication officielle se prend parfois à son propre jeu. À force de vouloir présenter des performances spectaculaires, elle finit par fragiliser la crédibilité de l’État lui-même. Car si la propagande peut flatter les apparences, elle ne résiste jamais longtemps à l’épreuve des faits.
En l’occurrence, la ministre n’a fait que ramener le débat à la réalité : les remboursements de la dette se poursuivent normalement, sans miracle comptable ni prouesse financière. La confusion née de la dépêche de la TAP n’est pas anodine ; elle illustre une tendance inquiétante à embellir artificiellement la situation économique du pays, au risque de miner la confiance des citoyens et des partenaires internationaux.
En somme, ce n’est pas la dette qui a été remboursée à 125 %, mais la vérité qui, une fois encore, a dû réparer les excès du zèle propagandiste.
M.B.











Commentaire
HatemC
La communication du gouvernement tunisien est non crédible, non transparente et semble mensongère (ou du moins relève d’une propagande excessive).
L’incident autour de la dépêche de la TAP est un cas d’école illustrant une crise de confiance dans la communication officielle tunisienne. Il met en lumière plusieurs failles qui permettent d’affirmer que la crédibilité et la transparence du gouvernement sont fortement compromises.
La TAP, agence étatique, publie une information spectaculaire : 125 % de la dette extérieure 2025 remboursée. Cette donnée est économiquement absurde (comme le soulignent les experts) et relève manifestement d’une désinformation visant à présenter une « prouesse financière » irréaliste.
À force de vouloir « embellir artificiellement la situation », le gouvernement a réussi l’inverse : miner la confiance dans ses propres chiffres et renforcer l’idée que la vérité doit être recherchée en dehors des canaux officiels.
Le fait que les faits doivent être rétablis par la société civile et les experts, et non par le gouvernement lui-même, est un SIGNAL D’ALARME.