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Pollution à Gabès : jugement imminent sur la suspension du complexe chimique

Photo de Yassine Gaidi / Agence Anadolu / Anadolu via AFP

Par Nadya Jennene

Le tribunal de première instance de Gabès devrait rendre, jeudi 4 décembre 2025, son jugement dans l’affaire en référé visant à obtenir l’arrêt immédiat des activités du Groupe chimique tunisien (GCT) dans la région. Cette décision intervient dans un contexte marqué par une intensification des alertes environnementales et sanitaires liées au fonctionnement du complexe industriel.

Intervenant sur les ondes de Jawhara FM dans l’émission Sbeh El Ward, Mounir Adouni, président de la section régionale de l’Ordre des avocats de Gabès, a rappelé que plusieurs rapports et études scientifiques indépendants avaient confirmé l’existence d’un niveau préoccupant de pollution générée par les unités du Groupe chimique. 

Selon ces documents, les émissions industrielles présentent des concentrations élevées de gaz nocifs, dont la dispersion est accentuée par les conditions climatiques locales, notamment l’humidité et la vitesse des vents, favorisant ainsi la stagnation et la propagation des gaz dans plusieurs zones habitées.

Me Adouni a souligné que les services de santé et de la protection civile avaient signalé, au cours des dernières semaines, une augmentation notable des cas d’asphyxie, de gêne respiratoire et d’affections liées à la qualité de l’air. 

Ces éléments ont été versés au dossier pour étayer la demande urgente de suspension des activités industrielles en attendant des mesures d’évaluation et de mise en conformité. En effet, le dossier s’appuie, entre autres éléments, sur un ensemble important de preuves médicales : environ 300 certificats attestant de troubles liés à la qualité de l’air. Parmi les cas relevés figure celui d’un élève dont l’état a connu une dégradation progressive après des épisodes répétés de difficultés respiratoires, accompagnées de symptômes neurologiques. D’autres élèves de la même zone ont signalé des manifestations similaires, telles que des vertiges, des fourmillements ou des paralysies partielles des membres, renforçant l’hypothèse d’une exposition chronique à des émissions toxiques.

Selon les rapports épidémiologiques disponibles, des centaines de personnes — résidents de zones proches du complexe industriel ou élèves d’établissements scolaires — ont présenté, entre septembre et octobre, des symptômes respiratoires aigus, incluant dyspnée, vertiges, syncope et malaise général. À la mi-novembre, un nouvel incident impliquant une fuite de gaz a entraîné l’intoxication collective d’un groupe d’élèves d’un collège à Chatt Essalem, nécessitant leur transfert en urgence vers le Centre hospitalo-universitaire de Gabès pour prise en charge toxicologique et respiratoire.

Les études environnementales indépendantes, corroborées par des observations de terrain, mettent en évidence des rejets persistants de résidus industriels, notamment des dépôts de phospho-gypses contenant des concentrations élevées de contaminants. Leur accumulation dans le golfe de Gabès a entraîné une dégradation majeure des écosystèmes marins, se traduisant par un effondrement de la biodiversité halieutique, entre autres. 

Devant l’accumulation de données — cas d’asphyxie récurrents, symptômes respiratoires et neurologiques, perturbation durable des écosystèmes — plusieurs organisations citoyennes ont qualifié la situation de crime environnemental, réclamant l’arrêt immédiat des unités les plus polluantes et à plus long terme, le démantèlement complet du complexe industriel.

Évoquant le volet sécuritaire en lien avec les protestations qui ont secoué la région, le président de la section régionale des avocats a tenu à préciser qu’aucune personne n’était actuellement incarcérée en lien direct avec les mouvements de contestation enregistrés ces derniers jours à Gabès. 

Il a, toutefois, précisé, que seules deux personnes étaient retenues en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour suspicion d’implication dans l’incendie d’un bus, affaire distincte du dossier environnemental.

Le jugement qui sera rendu aujourd’hui pourrait constituer un point de bascule. Toutefois, de nombreux analystes estiment que, sans une intervention institutionnelle rigoureuse visant à protéger la santé publique et restaurer les milieux naturels, la crise environnementale de Gabès risque de perdurer sur plusieurs décennies.

Le dossier reste instruit dans le cadre du contentieux urgent et administratif, maintenant ainsi la procédure dans son cadre initial malgré la tentative du ministère de la requalifier pour en retarder l’examen. Cette décision est considérée comme une première victoire pour les plaignants, qui avaient plaidé l’urgence sanitaire et environnementale.

N.J

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