Ezzeddine Hazgui, père de l’opposant politique Jaouhar Ben Mbarek, a annoncé, lundi 1er décembre 2025, que son fils a mis fin à la grève de la faim qu’il observait depuis 33 jours. « J’informe tous les militants et tous les défenseurs de la liberté et de la démocratie que Jaouhar vous remercie pour votre soutien et vous fait savoir qu’il a mis fin à sa grève de la faim, qui a duré 33 jours », a-t-il écrit dans un court message publié sur les réseaux sociaux.
Cette décision intervient alors que l’état de santé du prisonnier politique suscitait une inquiétude croissante, nourrie par les alertes répétées de ses proches et de ses avocats.
Une suspension « temporaire »
Quelques minutes après l’annonce de son père, Jaouhar Ben Mbarek a publié un communiqué depuis la prison de Belli. Il y confirme la suspension « temporaire » de sa grève de la faim, soulignant que la mobilisation démocratique a « porté le message », défendu « les droits » et mis en lumière la souffrance des prisonniers politiques.
« Nous avons choisi la voie de la lutte par conviction », affirme-t-il, tout en rappelant que le coût de la résistance se paie « de notre santé et de nos corps ». Il insiste : « Nous ne sommes pas des quêteurs de pouvoir ni de positions, mais les porteurs d’une cause juste dont nous ne nous détournerons pas. »
Il réaffirme son engagement pour « une Tunisie libre et démocratique, fondée sur la primauté du droit », estimant que ce projet n’est pas un slogan mais « un projet national » qui continuera à être défendu malgré la répression. Il conclut par un hommage à ceux qui refusent la soumission : « La volonté du peuple est plus forte que toutes les interdictions et les menaces. »
Les signaux d’alarme répétés de la défense
Quelques jours plus tôt, le 26 novembre 2025, son avocate et sœur, Dalila Ben Mbarek Msaddek, avait lancé un nouveau cri d’alarme dans une vidéo largement relayée en ligne. Elle décrivait une situation « extrêmement grave » et confiait ne plus reconnaître son frère, affaibli physiquement et moralement après près d’un mois de jeûne total.
Elle avait rapporté s’être rendue à la prison de Belli : « Il était très fatigué et son état s’est de nouveau détérioré. Il a été transporté à nouveau à l’hôpital hier. » Selon elle, tous ses indicateurs de santé étaient « dans le rouge ». Déshydraté, il ne parvenait plus à boire : « L’eau lui donne la nausée et il dégage une odeur comme celle de l’acétone. »
Malgré les risques vitaux, Jaouhar Ben Mbarek refusait d’interrompre son mouvement. Plusieurs avocats, dont Mohamed Abbou, avaient tenté de le convaincre, tout comme des centaines de citoyens qui lui avaient adressé des lettres. En vain. « J’ai fait la grève pour que l’injustice soit levée. L’injustice n’a pas été levée. Pourquoi j’arrêterais alors ? », affirmait-il.
Sa sœur décrivait un homme profondément brisé : « Aujourd’hui, ça fait 29 jours qu’il n’a rien mangé. Demain, ça fera trente jours, un mois complet. Il a perdu 24 kilos… On ne le reconnaît plus. » Elle dénonçait également l’absence de suite donnée à la plainte pour torture déposée par la défense.
Hospitalisations, violences alléguées et démentis officiels
Au cours des deux dernières semaines, Jaouhar Ben Mbarek avait été transféré plusieurs fois à l’hôpital. Des analyses avaient révélé un début de rhabdomyolyse dû à une déshydratation extrême. Il présentait des troubles moteurs, des difficultés d’élocution, une incapacité à dormir et une perte de poids très rapide.
Une enquête avait été ouverte après que ses avocats ont affirmé qu’il avait été agressé au sein de la prison de Belli par des codétenus. Lors d’un transfert à l’hôpital régional de Nabeul, des examens auraient confirmé des contusions et traces de coups. Un médecin, alerté par la suspicion de torture, aurait prescrit son hospitalisation, ce qui a également déclenché une enquête administrative.
La défense dénonçait parallèlement des pressions judiciaires visant plusieurs avocats, tandis que l’Ordre protestait contre les restrictions imposées aux visites. L’administration pénitentiaire, de son côté, rejetait toutes les accusations, niant même l’existence de la grève de la faim et affirmant assurer un suivi médical régulier.
Ces tensions avaient été ravivées lors de la plénière du 15 novembre 2025 consacrée au budget de la Justice, lorsque la ministre Leïla Jaffel avait évoqué les « grèves de la faim sauvages », dénonçant une « campagne infondée » et minimisant leur impact sur les procédures judiciaires.
Un dossier alourdi par les verdicts en appel
L’annonce de la fin de la grève de la faim survient dans un contexte marqué par le verdict en appel rendu le 28 novembre 2025 dans l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’État.
La chambre pénale spécialisée de la cour d’appel de Tunis a prononcé des peines allant de dix à 45 ans de prison contre les prévenus détenus, avec un acquittement. Pour les accusés en liberté, les condamnations allaient de cinq à trente-cinq ans, avec deux acquittements supplémentaires. Quant aux accusés en fuite, la cour a confirmé les peines de 33 ans, en les portant jusqu’à 43 ans pour certains.
Dans ce même dossier, plusieurs figures de l’opposition ont vu leurs condamnations alourdies en appel : Jaouhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Ridha Belhaj, Issam Chebbi et Chayma Issa voient leurs peines passer de 18 à 20 ans.
M.B.Z













2 commentaires
Citoyen_H
OUF !
Nous sommes sauvés, pour l’instant.
ZARZOUMIA
bonne initiative , la continuité de la greve de faim n’a plus aucun intérêt .