Depuis 2021, la scène politique tunisienne est profondément bouleversée par une succession de poursuites visant des responsables de premier plan : opposants, anciens ministres, avocats, militants, figures médiatiques ou candidats à la présidentielle.
Au cœur de ces procédures se trouvent les dossiers dits de « complot contre la sûreté de l’État », divisés aujourd’hui en deux grandes affaires — Complot 1 et Complot 2 — qui ont entraîné de lourdes condamnations, des arrestations successives et une avalanche d’appels, de mandats de recherche et de décisions très contestées.
À côté de ces affaires, plusieurs personnalités font face à des dossiers politiques connexes : corruption, financement illégal, abus administratifs, ou encore application du décret-loi 54. Enfin, les poursuites électorales liées à la présidentielle de 2024 ont remodelé le paysage politique, avec l’éviction de plusieurs candidats potentiels ou confirmés.
Ce dossier n’a pas la prétention d’être exhaustif. Malgré l’effort minutieux de recenser les personnalités politiques, journalistes, activistes, chefs d’entreprise et figures publiques prises dans l’engrenage répressif, l’ampleur de la campagne en cours dépasse les limites d’un seul article. Il resterait encore à citer des hauts commis de l’État aujourd’hui derrière les barreaux, des syndicalistes locaux inquiétés pour avoir simplement exercé leurs mandats, des défenseurs de l’environnement pris pour cible, et tant d’anonymes – fonctionnaires, citoyens ordinaires, jeunes internautes – poursuivis ou incarcérés en vertu du décret-loi 54 et d’autres textes détournés de leur esprit.
Autant de destins que l’on ne peut énumérer intégralement, mais qui composent ensemble le paysage d’une répression tentaculaire, diffuse et sans distinction. Ce panorama inachevé suffit cependant à rappeler une réalité trop souvent étouffée : la Tunisie traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine, où nul n’est véritablement à l’abri dès lors que la parole, l’engagement ou la simple opinion deviennent des motifs de suspicion.
Principales personnalités politiques visées par la justice – État des lieux actualisé
- Affaire « Complot contre la sûreté de l’État » (Complot 1)
L’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’État » réunit depuis 2023 plusieurs figures politiques, avocats, militants, journalistes et hommes d’affaires, poursuivis pour des accusations extrêmement lourdes, allant de la « conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure » à la « formation d’une entente terroriste ». Les prévenus, en grande partie issus de l’opposition, ont été jugés sur la base de témoignages anonymes et dans une procédure vivement critiquée par les ONG pour l’absence de garanties essentielles de procès équitable. Les procès de 2024 et 2025 ont débouché sur des condamnations allant de cinq à plus de quarante ans de prison, renforçant les inquiétudes quant à l’usage politique de la législation antiterroriste.
Condamnations en appel – Principaux condamnés, toujours détenus

Kamel Letaïef – Homme d’influence
Condamné à 66 ans en première instance ; peine réduite à 45 ans en appel le 28 novembre 2025. Toujours détenu.

Khayem Turki – Homme politique, fondateur de Joussour
Peine réduite de 48 à 35 ans, assortie d’une amende de 100.000 dinars et d’un gel des avoirs. En détention.

Issam Chebbi – Secrétaire général d’Al Joumhouri
Condamné à 20 ans en appel. Toujours détenu.

Jaouhar Ben Mbarek – Universitaire, figure du Front de salut
Condamné à 20 ans. Toujours détenu.

Ghazi Chaouachi – Avocat, ancien député d’Attayar
Condamné à 20 ans. Toujours détenu.

Ridha Belhaj – Avocat, ex-dirigeant de Nidaa Tounes
Condamné à 20 ans. Toujours détenu.

Noureddine Bhiri – Ancien ministre de la Justice
Peine ramenée à 20 ans. Toujours détenu.

Abdelhamid Jelassi – Ancien dirigeant d’Ennahdha
Peine réduite de 13 à 10 ans. Toujours détenu.

Ayachi Hammami – Avocat et défenseur des droits humains
Condamné à 5 ans (au lieu de 8), assortis de 2 ans de surveillance administrative.
Arrêté le 2 décembre 2025 pour exécution de la peine.

Ahmed Néjib Chebbi – Président du Front de salut
Peine réduite de 18 à 12 ans et assortie de 5 ans de surveillance administrative.
Arrêté le 4 décembre 2025 à son domicile et conduit en prison.

Chaïma Issa – Militante du Front de salut
Peine portée de 18 à 20 ans, amende de 50.000 dinars et gel des avoirs.
Arrêtée après confirmation de la peine, lors d’une manifestation pour les libertés. Détenue.

Sahbi Atig – Ancien dirigeant d’Ennahdha
10 ans de prison et 5 ans de contrôle administratif. Détenu.

Saïd Ferjani – Ancien dirigeant d’Ennahdha
10 ans et 5 ans de contrôle administratif. Détenu.

Chokri Bahria
19 ans et 5 ans de contrôle administratif. Détenu.

Mohamed Hamdi – Ancien ministre de l’Éducation
17 ans de prison, amende de 20.000 dinars et 5 ans de contrôle administratif.
Il est en liberté.

Karim Guellaty – Chef d’entreprise franco-tunisien, patron de médias et auteur
35 ans, 50.000 dinars d’amende et 5 ans de surveillance administrative.
En liberté à l’étranger.
Personnalités condamnées à 33 ans et considérées « en fuite »

Mustapha Kamel Nabli – Économiste, ex-gouverneur de la BCT
Ancien ministre, ex-gouverneur de la Banque centrale (2011-2012) et candidat à la présidentielle de 2014. Condamné à 33 ans dans le dossier du complot.

Bochra Belhaj Hamida – Avocate et militante féministe
Ancienne députée et présidente de la Colibe. Condamnée à 33 ans et d’une amende de 50.000 dinars.

Abdelmajid Ezzar – Ancien président de l’Utap
Condamné à 33 ans dans le dossier du complot.

Nadia Akacha – Ex-cheffe de cabinet de Kaïs Saïed
Juriste et ancienne directrice du cabinet présidentiel. Condamnée à 33 ans.

Ali Hlioui – Homme d’affaires, ex-membre de la Chambre des conseillers
Condamné à 33 ans.

Hamza Meddeb – Politologue et chercheur
Spécialiste de l’économie politique. Condamné à 33 ans.

Monji Dhaouedi – Homme d’affaires
Cité dans des réseaux économiques liés au dossier de complot. Condamné à 33 ans.

Kamel Guizani – Ex-DG de la sûreté nationale
Ancien haut responsable du ministère de l’Intérieur. Condamné à 33 ans.
Ridha Driss – Homme d’affaires
Acteur du secteur privé, peu médiatisé. Condamné à 33 ans.

Kaouther Daâssi – Prévenue dans le dossier
Profil peu exposé publiquement. Condamnée à 33 ans.
Mohamed Abderraouf Khalfallah – Directeur de presse
Fondateur du journal Akher Khabar. Condamné à 33 ans.

Tasnim Kheriji – Universitaire, fille de Rached Ghannouchi
Chercheuse en sciences sociales. Condamnée à 33 ans.
Rafik Chaâbouni – Entrepreneur
Condamné à 33 ans.
Najla Letaïef – Prévenue liée au cercle Letaïef
Profil peu médiatisé, citée dans le dossier. Elle est présentée comme la fille de Kamel Letaïef sauf que ce n’est pas vrai. Cette personne est un mystère et beaucoup disent qu’elle n’existe pas. Condamnée à 33 ans.

Bernard-Henri Lévy – Philosophe français
Figure médiatique internationale. Condamné à 33 ans, décision largement critiquée par des ONG.
Autres décisions dans le sillage de l’affaire de Complot 1

Ahmed Souab – Avocat et ancien magistrat
Ancien juge administratif, ténor du barreau et figure majeure de la défense de l’État de droit.
Condamné le 31 octobre 2025 à 5 ans de prison et 3 ans de surveillance administrative pour critiques publiques de la procédure judiciaire.
A fait appel mais demeure détenu.

Dalila Ben Mbarek Msaddek – Avocate
Avocate et sœur du détenu politique Jaouhar Ben Mbarek, elle est poursuivie des des dossiers fondés sur le décret-loi 54, en lien avec ses interventions médiatiques et ses prises de position publiques. Une audience la concernant a été fixée au 25 novembre 2025 puis reportée au 9 janvier 2026.
Elle demeure libre, mais son dossier reste ouvert et l’expose à de nouvelles poursuites. Elle s’est également illustrée par ses dénonciations des conditions de détention de son frère, relayant des accusations de violences et d’atteintes aux droits de la défense.

Elyes Chaouachi – Fils de Ghazi Chaouachi, vit à l’étranger
Il fait l’objet d’une série de condamnations successives depuis 2023. Il a d’abord été condamné pour offense au chef de l’État, puis dans des dossiers liés au décret-loi 54. En 2025, la chambre antiterroriste l’a condamné par contumace à 16 ans de prison, l’accusant de divulgation d’informations sensibles, d’incitation à la violence et d’appartenance à un groupe terroriste. Plusieurs autres affaires ont été ouvertes la même année, portant le cumul de ses peines annoncées à plus de 38 ans de prison. Il dénonce un acharnement politique.
Acquittés dans l’affaire de Complot 1

Noureddine Boutar – Directeur de Mosaïque FM
Arrêté en 2023, le journaliste et patron de presse avait été par la suite libéré et a assisté à son procès, pour finalement être acquitté.

Lazhar Akremi – Avocat, ancien secrétaire d’État
Incarcéré en 2023 puis libéré, il est finalement acquitté lors du procès en appel.

Hattab Slama – Citoyen intégré dans l’affaire pour avoir stationné sa voiture près du domicile de Khayam Turki, emprisonné pendant plus de deux ans.
II. Affaire de « Complot 2 »
Prévenus détenus

Rached Ghannouchi
Président d’Ennahdha et ancien président de l’ARP dissoute
Situation : Détenu
Accusations : Entente présumée visant à conspirer contre la sûreté de l’État ; implication dans des activités menaçant la sécurité nationale
Condamné dans plusieurs affaires :
- Instalingo : 22 ans
- Affaire de complot 2 : 14 ans
- Lobbying : 3 ans
- Affaire dite du “Taghout” : 15 mois
Total cumulé : 40 ans de prison, assortis d’amendes.

Habib Ellouze
Dirigeant d’Ennahdha
Situation : Détenu
Accusations : Complot contre la sûreté intérieure, incitation à des actes terroristes
Condamnation : 12 ans de prison.
Kamel Bedoui
Ancien militaire, Baraket Essahel
Situation : Détenu
Accusations : Figure centrale de l’« appareil sécuritaire secret »
Condamnation : appartient au groupe des condamnés à 12–14 ans (peine nominative non précisée).

Rayan Hamzaoui
Ancien maire d’Ezzahra
Situation : Détenu
Accusations : Participation présumée à des activités menaçant la sécurité nationale
Condamnation : dans la tranche 12–14 ans

Abdelkarim Laâbidi
Ancien chef de la brigade de protection des avions
Situation : Détenu
Accusations : Implication dans une entente
Condamnation : dans la tranche 12–14 ans (non précisée).

Fathi Beldi
Ancien responsable des frontières
Situation : Détenu
Accusations : Participation présumée à une entente
Condamnation : 12 ans de prison.

Mehrez Zouari
Ancien DG des services spécialisés
Situation : Détenu
Accusations : Activités menaçant la sécurité nationale
Condamnation : dans la tranche 12–14 ans.
Prévenus en fuite / poursuivis à l’étranger

Youssef Chahed
Ancien chef du gouvernement
Situation : Poursuivi à l’étranger
Condamnation : 35 ans de prison (par contumace).

Nadia Akacha
Ex-directrice du cabinet présidentiel
Situation : Poursuivie hors du territoire
Condamnation : 35 ans de prison (par contumace).

Lotfi Zitoun
Ancien ministre
Situation : Poursuivi à l’étranger
Condamnation : 35 ans de prison (par contumace).

Rafik Abdessalem
Ancien ministre, gendre de Rached Ghannouchi
Situation : Poursuivi hors de Tunisie
Condamnation : 35 ans de prison.

Adel Daadaâ
Proche de cadres d’Ennahdha
Situation : Poursuivi à l’étranger
Condamnation : 35 ans de prison.

Mouadh Ghannouchi
Fils de Rached Ghannouchi
Situation : En exil
Condamnation : 35 ans de prison.

Mustapha Khedher
Ancien membre d’Ennahdha ; cité dans l’affaire Mohamed Brahmi
Situation : Poursuivi hors de Tunisie
Condamnation : 35 ans de prison.

Maher Zid
Ancien député
Situation : En fuite
Condamnation : 35 ans de prison.
Kamel Guizani
Ancien directeur général de la sûreté nationale
Situation : En fuite
Condamnation : 35 ans de prison.
Nature des accusations
Formation d’une entente en vue de conspirer contre la sûreté intérieure de l’État ;
- incitation à commettre des actes terroristes ;
- implication présumée dans des activités menaçant la sécurité nationale.
Les témoignages anonymes attribués à des « X » constituent un élément central du dossier, vivement contesté par les équipes de défense, qui dénoncent l’absence de preuves matérielles et des procédures jugées arbitraires.
III. Autres dossiers politiques en cours

Rached Ghannouchi – Ancien président de l’ARP – Chef d’Ennahdha
Instalingo (22 ans) ; Complot (14 ans) ; Lobbying (3 ans) ; affaire « Taghout » (15 mois).
Total : 40 ans de prison et amendes. Toujours détenu.

Ali Larayedh – Ancien chef du gouvernement
Condamné à 34 ans dans l’affaire des départs vers la Syrie. Détenu.

Abir Moussi – Présidente du PDL
Arrêtée le 3 octobre 2023 alors qu’elle tentait de déposer un recours contre des décrets présidentiels, elle est poursuivie dans le cadre de l’affaire dite du « bureau d’ordre », pour des accusations extrêmement lourdes fondées notamment sur l’article 72 du Code pénal, relatif aux atteintes à la sûreté intérieure de l’État et passible de la peine de mort. Plusieurs audiences ont été reportées et la procédure reste en cours. En parallèle, elle a été condamnée le 12 juin 2025 à deux ans de prison pour diffamation et diffusion de fausses informations via des systèmes d’information, à la suite d’une plainte de l’ISIE. D’autres enquêtes sont toujours ouvertes pour des faits similaires liés à son activité politique et à ses déclarations médiatiques. Elle demeure incarcérée à ce jour, sa détention étant qualifiée d’arbitraire par plusieurs organisations de défense des droits humains.

Mondher Ounissi – Président par intérim d’Ennahdha
Détenu depuis septembre 2023 dans l’affaire des enregistrements fuités.

Abdelkarim Harouni – Président du Conseil de la Choura d’Ennahdha
Arrêté en septembre 2023 pour corruption administrative. Toujours détenu.

Mosbeh Kardamin – Ex-gouverneur de Gabès
Condamné en mars 2024 à 7 ans dans un dossier de vente de fourrage.

Riadh Mouakher – Ancien ministre
Arrêté en février 2023.
Condamné à 3 ans ; acquitté en appel en octobre 2025 après près de deux ans de détention.

Walid Jalled – Ancien député
Détenu depuis février 2023. Condamné en juin 2025 à 6 ans pour blanchiment d’argent.

Ahmed Mechergui – Ancien chef de cabinet de Rached Ghannouchi
Détenu depuis 2023 dans « complot 2 ».

Rached Khiari – Ancien député d’Al-Karama
Libéré le 22 novembre 2025. Il a été condamné dans des affaires liées à des atteintes à autrui via les réseaux sociaux. Il a purgé trois ans de prison.

Seïf Eddine Makhlouf – Président d’Al-Karama
Il avait été condamné à 14 mois de prison, avec interdiction d’exercer son métier d’avocat, dans l’affaire de l’aéroport.
Il a quitté la prison en avril 2023, avant d’être arrêté en Algérie en juillet 2024. Toujours en détention en Algérie.

Mohamed Ben Salem – Ancien ministre Ennahdha
Arrêté en mars 2023 pour tentative de franchissement illégal des frontières et détention de devises.
Libéré, puis condamné en mars 2025 à trois ans. Il est libre.

Ahmed Laamari – Dirigeant d’Ennahdha
Condamné à 2 ans en mars 2025 pour faits similaires. Il serait libre.

Samir Taïeb – ancien ministre de l’Agriculture
Arrêté le 3 novembre 2024 dans l’affaire Henchir Chaâl, il avait été placé en détention provisoire dans un dossier portant sur la gestion de terres domaniales. Le 27 novembre 2025, neuf suspects, dont Samir Taïeb, ont été remis en liberté provisoire moyennant des cautions situées entre 10.000 et 50.000 dinars. Il est libre sous caution de 50.000 dinars, l’enquête se poursuivant.

Lassaad Yaacoubi – ancien secrétaire général de la Fédération de l’enseignement secondaire (détenu)
L’ancien secrétaire général de la Fédération de l’enseignement secondaire, Lassaad Yaacoubi, a été arrêté le 9 octobre 2025 dans une affaire de spéculation portant sur un entrepôt lui appartenant où les autorités affirment avoir saisi 13 tonnes de pommes de terre stockées illégalement. Un mandat de dépôt a été émis dès le lendemain et il demeure détenu dans l’attente de la suite de l’instruction. Son arrestation a provoqué un vif débat, certains dénonçant un dossier « vide », d’autres saluant une action contre la spéculation.

Ajmi Lourimi – secrétaire général d’Ennahdha (détenu)
Arrêté le 13 juillet 2024, il est poursuivi dans une affaire terroriste pour « non-dénonciation d’un crime ». Un mandat de dépôt a été émis à son encontre et sa détention a été prolongée à plusieurs reprises en 2024 et 2025. Le 6 mars 2025, la chambre d’accusation a décidé de son renvoi devant la chambre criminelle spécialisée. Toujours détenu, il est en attente de jugement.
IV. Dossiers électoraux – Présidentielle 2024

Ayachi Zammel – Entrepreneur, dirigeant d’Azimoun et ancien candidat à la présidentielle
Condamné à 35 ans, peines prononcées dans plusieurs gouvernorats, pour falsification de parrainages. Détenu.

Siwar Bargaoui – Trésorière d’Azimoun
Condamnée à 4 ans et 7 mois pour fraude de signatures. Détenue.

Mondher Zenaïdi – Ancien ministre et ancien candidat à la présidentielle
Renvoyé devant la chambre criminelle spécialisée en matière de terrorisme pour incitation à la désobéissance, constitution et adhésion à un groupement terroriste, complot et appels à l’insurrection.
Fait l’objet de mandats de recherche et d’amener internationaux depuis octobre 2024.

Lotfi Mraïhi – Président de l’UPR et ancien candidat à la présidentielle
Poursuivi pour blanchiment d’argent, gains illicites et comptes non autorisés.
Condamné à 6 mois en appel pour diffusion de fausses informations (novembre 2024). Arrêté en juillet 2024 après avis de recherche.Sa condamnation électorale (2019), il était accusé d’avoir offert de l’argent pour influencer la volonté des électeurs lors de l’élection présidentielle, a été réduite à six mois en appel (septembre 2024), assortie d’une interdiction à vie de candidature. Détention préventive prolongée fin 2024 et début 2025.

Leila Kallel – Secrétaire générale de l’UPR
Cadre dirigeante de l’Union populaire républicaine et proche collaboratrice de Lotfi Mraïhi, Leila Kallel a été placée en détention le 5 juillet 2024 dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent, transfert illégal de fonds à l’étranger et soupçons d’achat de parrainages électoraux. Incarcérée depuis cette date, elle demeure en détention préventive en 2025, l’UPR dénonçant une procédure politisée et une détention prolongée visant, selon le parti, à neutraliser la direction de la formation et ses figures les plus actives.

Mourad Messaoudi – Magistrat révoqué et ancien candidat à la présidentielle
Condamné à 8 mois de prison pour « octroi d’avantages pour influencer des électeurs ».
Peine confirmée par la Cour d’appel le 5 septembre 2025, à nouveau par contumace.
Arrêté le 15 août 2025 à son domicile. Détenu à Mornaguia.
Activistes visés par des poursuites judiciaires

Mohamed Jouou
Responsable financier de l’Association Tunisie Terre de Refuge.
Arrêté le 7 mai 2024.
Poursuivi pour blanchiment d’argent, complot et faux ; plusieurs charges ont été abandonnées après la clôture de l’instruction.
Toujours détenu. Procès prévu mi-décembre 2025.
Au-delà de son rôle administratif, Mohamed Jouou est décrit par ses proches comme un militant engagé auprès des personnes migrantes. Il a été arrêté dans le cadre d’une opération plus large visant les équipes de Terre d’asile Tunisie (branche locale de France Terre d’Asile), accusées d’avoir facilité l’hébergement et l’accompagnement de migrants en situation irrégulière. Des organisations de défense des droits humains estiment que les faits reprochés sont directement liés à son travail humanitaire, mené en coopération avec des institutions internationales.

Sherifa Riahi
Ancienne directrice de Tunisie Terre d’Asile.
Arrêtée début mai 2024.
Poursuivie pour blanchiment d’argent et irrégularités financières.
Toujours détenue. Procès prévu mi-décembre 2025.
Sherifa Riahi a dirigé Terre d’asile Tunisie avant de rejoindre une autre organisation de développement. Elle a été arrêtée à son domicile alors qu’elle était en congé maternité, deux mois après avoir accouché, et alors qu’elle allaitait encore son bébé. Les chefs d’inculpation portent sur la gestion de projets d’accompagnement des migrants (hébergement d’urgence, soutien juridique, médiation avec les municipalités). Selon plusieurs ONG, son dossier s’inscrit dans une campagne de stigmatisation des associations d’aide aux migrants, alimentée par des discours politiques et des campagnes de haine en ligne.

Iyad Bousselmi
Directeur de Tunisie Terre d’Asile depuis avril 2023, ancien diplomate.
Arrêté le 8 mai 2024.
Poursuivi pour blanchiment d’argent et complot ; plusieurs accusations initiales ont été abandonnées.
Toujours détenu. Procès prévu mi-décembre 2025.
Iyad Bousselmi a travaillé près de vingt ans dans le corps diplomatique tunisien et au sein de structures onusiennes avant de prendre la tête de Terre d’asile Tunisie, chargée d’apporter assistance et orientation aux réfugiés et demandeurs d’asile.
Les poursuites le visent pour son rôle de coordination de projets conclus avec des municipalités et financés en partie par des partenaires internationaux. Amnesty International et d’autres ONG dénoncent une détention préventive prolongée et qualifient ces charges de répressives, estimant qu’elles criminalisent la coopération avec les institutions internationales sur la question migratoire.

Imen Ouardani
Docteure en biologie, ancienne adjointe au maire de Sousse.
Arrêtée le 10–11 mai 2024.
Poursuivie pour blanchiment d’argent, escroquerie, abus de fonction et formation d’une association pour l’entrée des étrangers.
Toujours détenue.
L’arrestation d’Imen Ouardani est directement liée à un accord de partenariat signé en 2022 entre la municipalité de Sousse et Terre d’asile Tunisie, pour la mise en place de dispositifs d’écoute, d’accompagnement et parfois d’hébergement pour les migrants et réfugiés.
Elle est accusée d’avoir utilisé sa fonction municipale pour faciliter ces projets, qui étaient pourtant publics et présentés comme des actions de gestion locale d’une situation migratoire complexe. Des ONG soulignent que les pièces du dossier ne démontrent pas d’enrichissement personnel, mais visent la coopération institutionnelle avec l’ONG.

Mohamed Iqbal Khaled
Ancien maire de Sousse.
Arrêté le 10 mai 2024.
Poursuivi dans le même dossier qu’Imen Ouardani.
Toujours détenu.
Élu maire indépendant de Sousse en 2019, Mohamed Iqbal Khaled s’était illustré par des initiatives en faveur des populations vulnérables, notamment durant la crise du Covid, où la municipalité avait collaboré avec des associations pour la prise en charge des migrants et la distribution d’aide.
Les accusations le visent pour avoir soutenu et signé des projets municipaux conduits avec Terre d’asile Tunisie. Les organisations de défense des droits humains y voient un signal : l’action sociale locale en faveur des migrants est désormais susceptible d’être requalifiée en atteinte à la sécurité et en entente criminelle.

Abdallah Saïd
Fondateur de l’association Enfants de la Lune (Médenine).
Arrêté le 12 novembre 2024.
Poursuivi pour blanchiment d’argent et complot contre la sécurité extérieure de l’État.
Toujours détenu.
D’origine tchadienne, naturalisé tunisien en 2012, Abdallah Saïd est une figure de l’engagement local à Médenine. Il a contribué à créer plusieurs structures, dont Enfants de la Lune, destinée à soutenir des enfants atteints d’une maladie génétique rare, et une coalition d’associations dans la région.
Son arrestation a été confiée au pôle antiterroriste, une première pour un responsable d’ONG solidaire des exilés. Il est accusé d’avoir reçu des financements étrangers pour aider des migrants et de les avoir utilisés dans le cadre d’un prétendu complot, avec des chefs d’inculpation allant jusqu’à l’atteinte à la sécurité extérieure de l’État et à la formation d’association de malfaiteurs.

Mustapha Djemali
Fondateur du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), ancien cadre du HCR.
Arrêté au début du mois de mai 2024 (détention signalée à partir de début mai).
Poursuivi pour constitution d’une entente en vue de blanchiment d’argent, escroquerie et utilisation de documents frauduleux.
Condamné le 24 novembre 2025 à 2 ans de prison.
Libéré le même jour (détention préventive équivalente).
Âgé d’environ 80 ans, binational tuniso-suisse, Mustapha Djemali a travaillé de longues années pour le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) avant de fonder en 2017 le Conseil tunisien pour les réfugiés, chargé d’enregistrer les personnes souhaitant demander l’asile en Tunisie et de leur fournir une aide essentielle, dans le cadre d’un mandat confié par le HCR et reconnu par les autorités tunisiennes.
Son arrestation s’inscrit dans une offensive contre cette ONG : le CTR a été dissous, ses comptes gelés et six de ses employés poursuivis. La condamnation de Mustapha Djemali et d’Abderrazak Krimi a été dénoncée par les organisations de défense des droits humains comme la confirmation de la criminalisation du travail civil et humanitaire.

Abderrazek Krimi
Chef de projet au Conseil tunisien pour les réfugiés.
Arrêté début mai 2024.
Poursuivi pour les mêmes faits que Mustapha Djemali.
Condamné le 24 novembre 2025 à 18 mois de prison.
Libéré le même jour (détention préventive équivalente).
Abderrazak Krimi coordonnait sur le terrain les activités du CTR : pré-enregistrement des demandeurs d’asile, recherche de solutions d’hébergement, distribution d’aide. Les autorités lui reprochent, comme à Mustapha Djemali, d’avoir participé à une entente en vue de blanchiment d’argent liée à ces financements. Les ONG insistent pour leur part sur le fait que ces fonds provenaient essentiellement du HCR et servaient à des programmes agréés.

Saadia Mosbah
Fondatrice de l’association Mnemty, militante antiraciste.
Arrêtée le 6 mai 2024.
Poursuivie pour détournement de fonds et irrégularités financières.
Toujours détenue.
Figure emblématique de la lutte contre le racisme anti-Noirs en Tunisie, Saadia Mosbah a contribué à l’adoption de la loi tunisienne de 2018 contre les discriminations raciales. Son association Mnemty œuvre depuis 2013 contre le racisme et pour la défense des droits des Tunisiens noirs et des migrants subsahariens.
Son domicile et le siège de Mnemty ont été perquisitionnés, des documents et équipements saisis, et plusieurs membres de l’association interrogés. Officiellement, le dossier porte sur des délits financiers, mais de nombreuses organisations voient dans son arrestation le prolongement d’une campagne de diffamation raciste et d’un message adressé à toutes les structures qui défendent les migrants et les minorités.

Saloua Ghrissa
Fondatrice de l’Association pour la Promotion du Droit à la Différence (ADD).
Arrêtée le 9 décembre 2024.
Poursuivie pour suspicion de financement étranger.
Toujours détenue à la prison de la Manouba.
Militante des droits humains, chercheuse et ancienne professeure d’enseignement supérieur aujourd’hui à la retraite, Saloua Ghrissa a consacré son engagement à la défense des minorités et du droit à la différence. Elle est détenue depuis le 9 décembre 2024, après avoir été convoquée à la sous-direction des recherches économiques et financières à El Gorjani pour un interrogatoire lié à la gestion de son association.
Selon des communications d’ONG, une enquête financière était en cours depuis plusieurs mois, ciblant les prestataires et partenaires de l’ADD. Sa famille dénonce une détention prolongée sans jugement, qui illustre, selon elle, l’instrumentalisation de l’accusation de « financement étranger » pour faire pression sur les associations de défense des droits humains.

Sonia Dahmani
Avocate, chroniqueuse.
Arrêtée le 11 mai 2024.
Condamnée dans plusieurs affaires liées au décret-loi 54.
Total cumulé des peines : 4 ans de prison.
Libérée le 27 novembre 2025 dans le cadre d’une mise en liberté conditionnelle.
Sonia Dahmani a été arrêtée spectaculairement dans les locaux de l’Ordre des avocats, lors d’une intervention de policiers cagoulés filmée en direct par une chaîne de télévision internationale.
Elle a été condamnée pour plusieurs déclarations publiques : une séquence télévisée ironisant sur l’idée que des migrants subsahariens choisiraient la Tunisie comme « pays de rêve » malgré la crise, des propos sur le racisme en Tunisie, ainsi que des critiques sur l’état des prisons et les conditions de détention. Ces propos ont été requalifiés en « diffusion de fausses nouvelles » et « atteinte à la réputation » sur la base du décret 54.
Poursuivie dans au moins cinq dossiers distincts, elle est devenue un symbole de la répression des voix critiques. Son état de santé et ses conditions de détention ont été régulièrement dénoncés par sa famille, notamment par sa sœur Ramla, et par plusieurs organisations internationales.

Ramla Dahmani
Militante, sœur de l’avocate Sonia Dahmani.
Condamnée par contumace le 1er juillet 2025 à 2 ans de prison (décret-loi 54).
Réside actuellement à l’étranger.
Condamnation toujours en vigueur.
Ramla Dahmani s’est imposée comme l’une des principales voix de la campagne pour la libération de sa sœur, prenant publiquement sa défense, dénonçant son incarcération et ses conditions de détention, et alertant sur la multiplication des poursuites visant militants, journalistes et avocats.
Selon plusieurs sources judiciaires et médiatiques, elle a été condamnée sans convocation ni procès contradictoire, par contumace, à deux ans de prison ferme en vertu du décret 54, pour des prises de parole et des publications où elle exprimait sa solidarité, notamment lors d’une grève de la faim menée pour dénoncer la situation des détenus d’opinion. Des organisations de défense des droits humains dénoncent un jugement politique qui transforme l’exil et la parole de soutien en infractions pénales.

Rached Tamboura
Artiste de rue, étudiant en calligraphie.
Arrêté en juillet 2023.
Condamné à 2 ans de prison, peine confirmée en appel en janvier 2024.
A purgé sa peine.
Libéré le 17 juillet 2025.
Rached Tamboura est un jeune artiste de rue et graphiste indépendant, connu pour ses graffitis. Il a été arrêté à Monastir à la suite d’une fresque murale dénonçant le racisme et la politique du président Kaïs Saïed à l’égard des migrants subsahariens, ainsi que l’accord migratoire conclu entre la Tunisie et l’Union européenne.
Poursuivi pour des infractions liées à la liberté d’expression, il a été condamné à deux ans d’emprisonnement, peine confirmée en appel le 31 janvier 2024. Plusieurs ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont qualifié ces accusations de fallacieuses et vu dans son cas un exemple de la banalisation de la répression des artistes, blogueurs et créateurs critiques depuis l’entrée en vigueur du décret 54. Sa libération en juillet 2025 intervient après qu’il a purgé entièrement sa peine, sans annulation des condamnations.
Les hommes d’affaires rattrapés par des affaires judiciaires aux relents politiques

Mehdi Ben Gharbia – Ancien ministre
Après une première peine de quatre ans dans un dossier financier, il a fait l’objet d’un nouveau mandat de dépôt en mai 2025, alors qu’il était sur le point d’être libéré, dans une affaire de meurtre.
Sa détention préventive a été prolongée en novembre 2025. Son nom a été impliqué dans une affaire de meurtre qui a déjà fait l’objet d’un procès et dont l’auteur a été arrêté et purge actuellement sa peine. Toujours détenu.
Longtemps figure politique en vue, son arrestation a suscité de vives réactions au sein de la classe politique et des organisations de défense des droits. Il a été le premier prisonnier politique depuis le coup de force puisqu’il a été arrêté en octobre 2021. Son dossier est perçu par certains observateurs comme révélateur de l’instrumentalisation croissante de la justice dans le champ politique.

Mohamed Frikha – fondateur de Syphax Airlines, ex-député
Arrêté le 12 septembre 2023, il est poursuivi pour corruption financière et administrative dans un dossier lié à l’approvisionnement en carburant de Syphax Airlines. En novembre 2025, la chambre criminelle spécialisée a rejeté sa demande de libération. Il reste en détention.
Son parcours mêlant affaires, transport aérien et engagement politique a donné à son dossier une forte dimension publique, largement commentée dans le paysage médiatique.

Marouen Mabrouk – actionnaire du groupe Mabrouk
Arrêté le 7 novembre 2023 dans un dossier de blanchiment d’argent. Une date à forte symbolique puisqu’il est l’ancien gendre du président défunt Ben Ali. Il fait face à une caution exceptionnelle : 1 milliard de dinars, réduite à 800 millions. Il reste en détention préventive, en attente d’une nouvelle audience. Son groupe a financé des rénovations inaugurées par le président notamment la piscine du Belvédère et la Place Barcelone.

Ridha Charfeddine – PDG d’Unimed, ex-député Nidaa Tounes
Interpellé en novembre 2023, il a cumulé trois mandats de dépôt pour corruption administrative et financière. Une libération contre caution de 150 millions de dinars avait été décidée mais n’a jamais été appliquée. Dans l’affaire de complot, sa peine a été ramenée à 2 ans de prison assortis de trois mois de surveillance administrative. Plusieurs dossiers restent en cours.
Figure politique de premier plan sous Nidaa Tounes, sa mise en cause a été interprétée par certains observateurs comme s’inscrivant dans une recomposition plus large des équilibres politiques.

Riadh Ben Fadhl – Homme d’affaires, ancien coordinateur général du parti Al Qotb
Il a été arrêté en novembre 2023 et poursuivi dans plusieurs dossiers financiers instruits par le pôle judiciaire économique et financier. Il avait été condamné en première instance, en mai 2024, à 4 ans et 6 mois de prison et à une lourde amende. Cette condamnation a été annulée en appel en avril 2025 après une régularisation financière, mais il demeure incarcéré pour au moins une autre affaire liée à des soupçons de blanchiment d’argent et d’acquisition litigieuse de biens confisqués.

Abdelaziz Makhloufi – PDG du groupe CHO
Détenu depuis novembre 2024 dans l’affaire Henchir Chaâl, il a été libéré le 5 novembre 2025 après paiement d’une caution de 50 millions de dinars, tout en restant sous mesures conservatoires. Son arrestation est intervenue dans un contexte de pressions politiques en ce qui concerne le secteur oléicole. Il est libre sous caution.

Slim Chiboub – homme d’affaires et ancien président de l’EST
Gendre de l’ancien président Ben Ali. Placée en détention en juillet 2024 après un mandat de dépôt du pôle antiterroriste, il fait face à plusieurs volets financiers. En août 2025, des accusations de complot ont été classées sans suite, mais sa demande de libération a été rejetée en raison d’autres procédures toujours actives. Il demeure en détention, sans peine définitive.

Nabil Karoui – homme d’affaires, ancien candidat à la présidentielle
Fondateur du groupe Nessma et figure politique de premier plan, Nabil Karoui est poursuivi depuis plusieurs années dans des affaires de blanchiment d’argent, fraude fiscale et financement étranger. Condamné en 2024 à trois ans de prison ferme, il reste visé par des mandats de dépôt et par le gel de ses avoirs. En 2025, il est officiellement recherché par la justice et poursuivi en état de fuite, ce qui empêche la tenue normale de son procès, régulièrement renvoyé. Son dossier demeure l’un des plus lourds impliquant un acteur médiatico-politique tunisien depuis 2011.

Ghazi Karoui – ancien député
Frère de Nabil Karoui et ancien élu à l’Assemblée, Ghazi Karoui est poursuivi dans le même vaste dossier financier visant le groupe familial. Comme son frère, il fait face à des accusations de blanchiment, fraude fiscale et transferts illicites, et demeure sous le coup de mandats de dépôt et du gel de ses biens. Réputé proche des réseaux d’affaires gérés autour de Nessma, il est également considéré comme étant en fuite en 2025, ce qui a conduit au report répété de son procès devant la chambre criminelle spécialisée.
Journalistes poursuivis ou ayant été détenus

Mohamed Boughalleb – Libre, mais sous une nouvelle condamnation
Journaliste et chroniqueur.
Poursuivi dans plusieurs dossiers fondés sur le décret-loi 54, Mohamed Boughalleb est accusé de diffamation envers un fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses pour avoir critiqué sa gestion, ainsi que de diffusion de fausses nouvelles à travers des chroniques radiophoniques jugées offensantes. Les poursuites s’inscrivent dans un climat où le décret 54 est régulièrement utilisé contre des journalistes ayant mis en cause des responsables publics. Les ONG dénoncent une criminalisation du commentaire journalistique.
Jugements : six mois de prison en 2024, portés à huit mois en appel ; condamné à deux ans dans une seconde affaire en juillet 2025.
Statut actuel : libre, mais sous le coup d’une condamnation et de nouvelles poursuites.
Médiatisation : affaire suivie de près par le SNJT et plusieurs ONG internationales.

Borhen Bsaies – En détention
Chroniqueur et animateur.
Il est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à la réputation de responsables publics sur la base du décret 54, après des interventions où il critiquait la gestion gouvernementale. Une deuxième procédure, cette fois liée à un dossier financier, a été ouverte peu avant sa libération théorique, ce qui a entraîné un nouveau mandat de dépôt. Les ONG y voient un usage extensif du pénal pour faire taire une voix influente du paysage audiovisuel.
Jugement : un an de prison ferme en mai 2024, réduit à huit mois en appel. Nouveau mandat de dépôt dans une affaire financière.
Statut actuel : en prison.
Médiatisation : affaire emblématique du décret 54.

Mourad Zeghidi – En détention
Journaliste et intervenant radio.
Poursuivi pour « diffusion de fausses nouvelles » après avoir commenté la situation politique et économique, des déclarations considérées comme portant atteinte aux institutions. Comme pour Borhen Bsaies, une nouvelle affaire financière a été ouverte alors qu’il devait quitter la prison. Les défenseurs de la liberté de la presse dénoncent une frontière floue entre critique médiatique et accusations pénales.
Jugements : un an de prison en première instance, réduit à huit mois en appel ; maintien en détention après un nouveau mandat de dépôt.
Statut actuel : en détention.
Médiatisation : forte mobilisation du secteur médiatique et des ONG.

Chadha Haj Mbarek – En détention
Journaliste (affaire Instalingo).
Inculpée dans l’affaire Instalingo, elle fait face à des accusations de complot contre la sûreté de l’État, offense au président et atteinte à la sûreté extérieure, fondées sur des contenus éditoriaux et des productions numériques jugés hostiles au pouvoir. Les ONG estiment que le dossier repose largement sur des interprétations politiques d’activités journalistiques et éditoriales.
Jugement : cinq ans de prison en février 2025.
Statut actuel : en prison depuis juillet 2023.
Médiatisation : dossier très suivi dans les rapports internationaux sur la liberté de la presse.

Zied El Heni – Libre
Journaliste et animateur connu pour ses positions critiques, Zied El Heni est visé depuis 2023 par plusieurs poursuites liées à ses interventions médiatiques.
Condamné en janvier 2024 à 6 mois de prison avec sursis pour des propos tenus à l’antenne, il a été de nouveau convoqué en février 2025 par le juge d’instruction dans une affaire intentée par la municipalité de Carthage, portant sur des soupçons « d’avantages injustifiés » au titre de l’article 96 du Code pénal.
Le juge a décidé de le maintenir en liberté, et aucune mesure de détention n’a été prise contre lui. Il reste toutefois poursuivi dans cette affaire, qui demeure pendante.

Salah Attia – Libre
Journaliste.
Poursuivi devant la justice militaire pour des déclarations télévisées mettant en cause l’armée et dénonçant des décisions institutionnelles. Les autorités ont estimé qu’il diffusait de fausses informations menaçant la sûreté nationale. Le recours à la juridiction militaire contre un civil a été vivement critiqué par les ONG.
Jugement : trois mois de prison en 2022.
Statut actuel : libre après avoir purgé sa peine.
Médiatisation : affaire très commentée, notamment en raison de la compétence militaire.

Ameur Ayed – Libre
Journaliste (Zitouna TV).
Poursuivi pour des propos considérés comme diffamatoires envers le président et les institutions. Les poursuites ont été engagées après des interventions où il critiquait ouvertement le pouvoir exécutif. L’affaire est souvent citée comme l’un des premiers signaux d’un usage accru du pénal pour encadrer la parole médiatique.
Jugement : quatre mois de prison en 2022.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : affaire citée comme précédent important.

Yassine Romdhani – Libre
Journaliste (Sabra FM).
Arrêté pour publications jugées offensantes sur les réseaux sociaux, considérées comme diffamation et diffusion de fausses nouvelles sous le décret 54. Son cas a illustré la pression croissante exercée sur les animateurs et reporters régionaux.
Statut actuel : arrêté puis libéré en décembre 2023 ; enquête toujours ouverte.
Médiatisation : dossier très suivi localement.

Khalifa Guesmi – Libre après non-lieu
Journaliste à Mosaïque FM.
Poursuivi pour avoir refusé de dévoiler l’identité d’une source dans un dossier terroriste, et accusé de divulgation d’informations confidentielles. Son affaire avait soulevé une préoccupation majeure : la protection des sources journalistiques, garantie dans les standards internationaux.
Jugement : condamné à cinq ans de prison en 2023, annulation en cassation.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : affaire majeure concernant la protection des sources journalistiques.
Journalistes auditionnés, convoqués ou poursuivis sans condamnation

Khouloud Mabrouk – Libre
Auditionnée après une interview jugée sensible et considérée comme portant atteinte à l’image d’un responsable public. Bien que sans suites judiciaires, l’affaire a été décrite comme un signal intimidant pour les journalistes en exercice.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : affaire perçue comme une forme de pression indirecte.

Haythem El Mekki et Elyes Gharbi – Libres
Chroniqueur et journaliste à Mosaïque FM.
Visés par une plainte d’un syndicat sécuritaire pour propos critiques concernant les forces de l’ordre dans une émission en direct. Le recours au pénal contre un débat radiophonique a suscité une large solidarité médiatique.
Statut actuel : auditions en 2023, aucune condamnation.
Médiatisation : forte mobilisation du SNJT et du public.

Monia Arfaoui – Libre
Journaliste.
Ciblée par deux plaintes pour diffamation déposées par le ministre des Affaires religieuses à la suite d’articles critiquant la gestion du département. Le cas soulève la question de l’usage des plaintes ministérielles contre les journalistes.
Statut actuel : libre, procédures en cours.
Médiatisation : positions de RSF et du SNJT en soutien.

Nizar Bahloul – Libre
Directeur de Business news
Auditionné en 2022 dans le cadre du décret 54 après la publication d’un article critique portant sur la gestion gouvernementale. Le cas a marqué un tournant, puisqu’il s’agissait du premier directeur de média convoqué sous ce texte, illustrant les risques pour la ligne éditoriale des médias. Il fait l’objet d’une seconde affaire suite à une plainte de l’Isie.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : premier cas de directeur de média convoqué sous le décret 54.

Mohamed Yassine Jelassi – Libre
Ancien président du SNJT.
Cible de pressions et de convocations ponctuelles en raison de sa visibilité dans la défense de la liberté de la presse et de ses déclarations critiques sur la situation médiatique.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : figure centrale des positions syndicales contre le décret 54.

Aymen Ajmi – Libre
Directeur de Binaa News.
Visé dans une ancienne affaire de « fausses nouvelles » liée à la publication d’un contenu jugé sensible politiquement. L’affaire a depuis été classée, mais reste citée comme un précédent dans la surveillance des médias en ligne.
Statut actuel : libre.
Médiatisation : affaire citée comme précédent.

Walid Hamraoui – Libre
Journaliste.
Convoqué dans le cadre d’une enquête sur des publications en ligne concernant la gestion publique locale. L’affaire illustre l’extension des poursuites à des contenus numériques souvent assimilés à du travail journalistique.
Statut actuel : libre.

Taoufik Omrane – Libre
Caricaturiste
Auditionné pour des contenus diffusés sur les réseaux sociaux, considérés par les autorités comme offensants ou diffamatoires. Ces convocations récurrentes sont régulièrement dénoncées comme une pression visant à dissuader l’expression critique.

Chahrazed Akacha – Exilée
Condamnée à 27 ans de prison, par contumace dans l’affaire Instalingo pour participation à la diffusion de contenus hostiles au régime.
Affaire « Instalingo »
L’affaire dite « Instalingo » concerne une société de production de contenus numériques basée à Kalâa Kebira, perquisitionnée le 10 septembre 2021 sur fond de soupçons d’atteinte à la sûreté de l’État, de blanchiment d’argent et de campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux. Instruite d’abord à Sousse puis transférée au pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, elle a abouti, le 5 février 2025, à des condamnations très lourdes contre 38 prévenus, avec des peines allant de 5 à 54 ans de prison, assorties de confiscations et d’amendes.
Le 2 décembre 2025, la Cour d’appel de Tunis a tenu une première audience dans ce dossier et a renvoyé l’examen au 26 décembre, tout en rejetant toutes les demandes de mise en liberté.

Rached Ghannouchi – président d’Ennahdha, ancien président de l’ARP
Condamné à 22 ans de prison et 80.000 dinars d’amende pour atteinte à la sûreté de l’État, tentative de modification du régime et offense au chef de l’État.

Hichem Mechichi – ancien chef du gouvernement
Condamné à 35 ans de prison, par contumace, pour participation supposée à un dispositif de propagande numérique visant à déstabiliser les institutions de l’État.

Mohamed Ali Aroui – ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur
Condamné à 13 ans de prison pour participation au réseau incriminé et utilisation présumée de ses réseaux pour soutenir des campagnes attentatoires à la sécurité de l’État.

Rafik Abdessalem – ancien ministre des Affaires étrangères
Condamné à 34 ans de prison, par contumace, pour participation aux structures de communication attribuées au réseau Instalingo.

Soumaya Ghannouchi – directrice de média
Condamnée à 25 ans de prison, par contumace, pour participation présumée à la production et à la diffusion de contenus considérés comme hostiles aux institutions.

Mouadh Ghannouchi – cadre d’Ennahdha
Condamné à 35 ans de prison, par contumace, pour un rôle décrit comme central dans la coordination de campagnes numériques.

Lotfi Zitoun – ancien ministre, ex-dirigeant d’Ennahdha
Condamné à 35 ans de prison pour implication dans les stratégies de communication numérique du réseau.

Riadh Bettaieb – ancien ministre
Condamné à 8 ans de prison pour participation au réseau et soutien supposé à la diffusion de contenus incriminés.

Saïd Ferjani – dirigeant d’Ennahdha
Condamné à 13 ans de prison et 50.000 dinars d’amende pour rôle actif présumé dans la diffusion de contenus visant les institutions.

Lazhar Loungou – ancien cadre du ministère de l’Intérieur
Condamné à 15 ans de prison et 300.000 dinars d’amende pour utilisation présumée de ses réseaux sécuritaires au service du dispositif.
Lotfi El Haïdouri – journaliste
Condamné à 27 ans de prison pour contribution à la diffusion de contenus jugés hostiles aux institutions publiques.
Bachir El Yousfi – activiste politique
Condamné à 27 ans de prison pour production ou diffusion de contenus qualifiés d’attentatoires à la sûreté intérieure de l’État.

Wadah Khanfar – ancien directeur d’Al Jazeera
Condamné à 32 ans de prison et 80.000 dinars d’amende pour soutien stratégique présumé au réseau Instalingo. Se trouve à l’étranger.

Chahrazed Akacha – journaliste indépendante
Condamnée à 27 ans de prison, par contumace, pour participation à la diffusion de contenus hostiles au régime. Exilée.

Chadha Haj Mbarek – journaliste
Condamnée à 5 ans de prison. Sa situation reste en cours de réexamen au stade de l’appel.
Salem Lekhili – influenceur
Condamné à 54 ans de prison, la peine la plus lourde du dossier, pour animation et diffusion de contenus jugés subversifs.
Haithem Lekhili – influenceur
Condamné à 28 ans de prison.
Yahya Lekhili – influenceur
Condamné à 38 ans de prison.
Autres influenceurs et créateurs de contenus
Slim Jebali : 12 ans
Achref Barbouch : 6 ans
Lamia Daadaâ : 6 ans
Meriem Daadaâ : 6 ans
Samiya Sbabti : 10 ans
Habib Essaboui : 6 ans
Mehdi Jemal : 6 ans
Safinez Ben Ali : 6 ans
Achraf Omar : 6 ans
Achraf Khadhraoui : 17 ans
Hamdi Boumiza : 17 ans
Mohamed El Hachfi : 25 ans
Majoul Ben Ali : 25 ans
Rami Ben Afia : 25 ans
Sabrine Laâtiri : 25 ans et 1 mois
Mohamed Béchir Arnous : 32 ans
Hilal El Qorchi : 32 ans.
Dossier élaboré par Ikhlas Latif et Myriam Ben Zineb











4 commentaires
Tunisino
Une liste longue bien sûr, qui invite à réfléchir, si les dirigeants de ce pays sont assez intelligents et assez responsables, sachant qu’ils sont payés par les sinistrés tunisiens pour semer l’excellence et non pas pour enraciner la médiocrité:
1. Est-ce que mettre en prison une personne pour des choses banales est une bonne idée? Pourquoi ne pas imposer une punition financière, pour apporter de l’argent à l’Etat?
2. La prison touche la dignité, la santé, et les intérêts, est-il nécessaire de faire du mal gratuitement? La prison est pour les hommes d’affaires, les politiciens, et les journalistes, ou pour les criminels?
3. Un prisonnier coûte à l’Etat environ 100 dinars par jour, qui paye les frais des séjours des prisonniers politiques? En quoi est bénéfique pour l’Etat de priver des gens à faible risque de leur liberté?
Bref, les nuls arrivent à arnaquer les citoyens pour gagner des élections (volet communication) mais n’arrivent jamais à les servir correctement faute de compétence (volet gestion).
Roberto Di Camerino
Je lisais et relisais la liste,avec l’apprehension de voir apparaitre mon nom, qui sait ? Ce mec a mis toute l’intelligenzia en taule, pour faire le vide politique et se faire re-elire avec 90% des voix des 300000 votants soit 270,000 tunisiens sur 8 millions.
Quelle masquarade ce regime.
Degage..
Hannibal
Punaise ! On oublie parfois qu’il y en a autant.
Par contre, eux et elles n’oublient pas et il leur faut beaucoup de courage.
Je viens de comprendre pourquoi quelqu’un qui ne figure pas (encore) dans cette liste (et qui formera sans doute une liste à lui-même tout seul), souffre d’insomnies.
La Tunisie, les Tunisiens et les Tunisiennes méritent mieux !
L’Histoire ne pardonne pas.
Le Temps est précieux.
Les Défis sont immenses.
HatemC
Les tunisiens décidément n’apprennent pas de leurs erreurs….des bourrins qui foncent tj dans le mur … tout ce remue ménage depuis 2011 pour ça .. quel gâchis…bonne journée tout de meme …