Répondant à l’appel de l’organisation contre la torture en Tunisie (OCTT), des associations ont signé hier, mercredi 27 janvier 2021, pour la constitution d’un Collectif de la société civile contre la criminalisation de la pauvreté et plaidant pour l’humanisation du système pénal, la dépénalisation des délits mineurs, la décongestion des prisons et des lieux de détention et l’application de peines alternatives à l’incarcération.
Dans un contexte marqué par la propagation du Covid -19 et par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, la situation des groupes sociaux vulnérables, notamment les détenus, ne cesse de se détériorer, et elle est particulièrement préoccupante dans de nombreux pays du monde dont la Tunisie.
Après une baisse historique de la population carcérale en Tunisie à la suite d’une série de grâces débutant au mois de Mars 2020 avec la première vague de la pandémie (plus de 8000 libérations), le nombre de détenus atteint, de nouveau, des niveaux alarmants (plus de23.000 dont 13.000 détenus sans jugement ).
La pandémie, qui a aggravé la crise économique et sociale, conduit les couches sociales démunies à recourir à des moyens de survie tels que la mendicité ou l’immigration clandestine, et à rejoindre les rangs de l’économie parallèle et informelle en tant que vendeurs ambulants ou dans les marchés non règlementés , journaliers et/ou employés dans le noir, à domicile , dans l’habillement , l’alimentation ,les transports ,le nettoyage, le bâtiment etc. Cette situation les a poussés à entrer en conflit avec le système économique et social établi et la réponse de l’Etat à leur protestation s’est résumée à des mesures répressives disproportionnées et injustifiées.
L’article 23 de la constitution oblige l’Etat à respecter la dignité des citoyens et interdit l’usage de la torture morale et physique. Cependant les mesures appliquées ne traitent pas les causes profondes de la crise qui sont liées essentiellement à la pauvreté et à l’absence d’un mode de développement œuvrant pour l’élimination des disparités régionales et sociales. Bien au contraire, ces mesures ne font que criminaliser la pauvreté et pénaliser les délits mineurs qui ne menacent en rien la sécurité publique.
L’augmentation du nombre des détenus a engendré une surpopulation carcérale. Dans le contexte sanitaire actuel, cette situation met en danger la vie et la santé de cette population ; elle met également en lumière les problèmes structurels du système de justice pénale et du système carcéral en Tunisie.
Comme dans plusieurs pays africains, le recours massif aux peines privatives de liberté, même pour les délits mineurs, est l’un des facteurs ayant conduit à l’encombrement des prisons. En dépit, de quelques réformes mises en œuvre depuis 2014, la répression et la privation de liberté demeurent les principaux instruments utilisés pour lutter contre la petite délinquance et les délits mineurs. Cela est dû, non seulement, à l’arsenal juridique dont le code pénal de 1913 ou les lois spéciales, mais également aux modalités de leur application (présentes notamment au niveau du code de procédure pénale). Ce système engendre, des violations des droits humains, dont les populations carcérales en situation de vulnérabilité, sont les premières victimes.
En raison de la crise économique qui perdure depuis des années, crise accentuée par la pandémie, la paupérisation s’accentue et touche de plus en plus de couches sociales dont un grand nombre se retrouve d’un jour l’autre dans la précarité totale. Cette population appauvrie et marginalisée est la cible de mauvais traitements et de violence policière. L’Etat, est appelé, au contraire, à lui trouver des solutions pour une meilleure insertion dans les différents secteurs de l’économie.
Face à ce constat, et face à l’urgence de la crise sanitaire, économique et sociale, il est impératif d’agir afin d\’établir la Cour Constitutionnelle, de réformer le système de justice pénale et le système carcéral tunisien, et de les mettre au diapason de la constitution de 2014 et des standards internationaux et régionaux.
Les associations signataires :
Association Beity
Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement
Association Intersections pour les droits et les libertés
Association tunisienne de défense des droits de l\’enfant
Association « Mon Droit » de défense de l\’enfant et la famille
Alert international
Centre de Tunis pour la liberté de la presse
Coalition tunisienne contre la peine de mort
Damj Association tunisienne pour la justice et l\’égalité
Forum attajdid pour la pensée progressiste et citoyenne
Organisation contre la torture en Tunisie
D\’après communiqué










